Chapitre 21 - L'accès aux cieux

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L'horizon tremblait. Quelque chose leur rappelait un village qui paraissait si lointain. On avait expliqué les bases de l'astronomie à Karl. Il leva les yeux au ciel pour tenter de voir la Terre. Pour déceler l'once d'un point beige sur la voûte bleutée. Rien, si ce n'est une étrange couleur rosée. Et ces objets, éparpillés aléatoirement, qui volaient dans le lointain. Des petites boîtes noires, des longs filaments entourés de ferraille ou encore d'immenses coquillages silencieux.

C'était comme ces anciennes carcasses de géantes créatures ferreuses que l'on déterrait parfois dans le sable. Mais cette fois ci, elles étaient vivantes et crachaient dans leurs sillages de longues traînées de vapeur. Ces monstres du ciel, silencieux, arpentaient les grandeurs aériennes, avec pour seule quête de suivre leurs chemins invisibles, routes tracées entre l'horizon et les zéniths infinis.

« Des vaisseaux spatiaux, en partance ou en provenance d'autres astres. Certains quittent l'atmosphère, d'autres se rendent vers les cités de Mars. Dans le coin, c'est surtout des navettes diplomatiques. »

Avait commenté Marcus, en voyant Karl s'interroger, un sourire amical sur les lèvres. Comme pour enseigner ce que les terriens ne pouvaient dépeindre. Ou pour lui montrer qu'il connaissait beaucoup plus de choses que lui ? Abelys hésitait. Plus que de la méfiance, c'était une once d'aigreur qu'elle éprouvait pour le spacien. Il se la ramenait beaucoup trop. L'humilité n'était pas son fort, il est vrai, mais ses paroles acerbes étaient toujours accompagnées d'un regard tendre.

Loin devant, Drake se tournait et observa l'horizon avec deux jumelles qu'il ficha sur ses yeux. Il avait l'air tendu et s'écria :

« Dépêchez-vous, des échassiers commencent à nous suivre. »

Abelys regarda derrière elle pour voir ce dont il parlait, mais ne remarqua rien d'anormal. A ce moment, elle se souvint de Marcus. Si ce dernier la voyait témoigner de la curiosité, il étalerait certainement sa science et expliquerait ce que sont ces fameux échassiers. Pas question d'entendre une fois de plus sa voix surgir. Elle se tourna rapidement et accéléra le pas. C'est alors que la voix de Marcus vint marteler ses oreilles :

« Ça alors , je n'en avais jamais vu jusque là. Ces créatures sont de fascinants prédateurs faits de chitine et recouverts de fongus (Abelys soupirait en détournant le regard). Leurs six immenses pattes, fines et hautes jusqu'à dix mètres, leurs permettent de se mouvoir dans ces vastes étendues en une fraction de seconde ! »

Bientôt, ils arrivèrent sous l'édifice volant. C'était comme un palais aux milles donjons, tendant chacun des centaines de doigts crochus et pointus vers le ciel, le tout dans un désordre chaotique et une noirceur sans consistance. Des innombrables balcons, d'inqualifiables lianes faites de mousse grisâtre se balançaient au gré du vent, se percutant l'une et l'autre régulièrement.

L'édifice était à plusieurs centaines de mètres au dessus de leur tête. Peut-être même plus haut encore. Cinq réacteurs nucléaires à fusion crachaient une déferlante d'énergie en direction du sol pour maintenir la structure à cette altitude. A plusieurs endroits dans la vallée, des câbles aussi gros que les troncs des arbres montaient, montaient jusqu'à s'introduire dans un conduit, une citerne ou montaient encore jusqu'à disparaître quelque part dans les étages supérieurs.

Tout là haut, des lumières fades scintillaient, signalant la présence d'une vie au coeur de l'étonnante créature de métal. Le son que le Thronarium émettait était un mélange de cris assourdissants et de bourdonnement indiscernable. Abelys plissa les yeux et porta ses mains aux oreilles pour s'empêcher l'inconfort. Jade attrapa un appareil à sa ceinture et, tout en appuyant sur un bouton, parla en direction d'une petite lumière :

Le Dernier EmpireWhere stories live. Discover now