Chapitre 39 - Les murs ont des oreilles

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Après plusieurs jours d'enquête sur les réseau de cartographie et des débats mouvementée entre R. Lisqaw et Steen au sujet du responsable des dépenses, les deux comparses se mirent en direction du village de Cathor à dos d'esquiffeurs. Ces créatures reptiliennes peu évoluées étaient des montures extrêmement répandues sur la planète, au même titre que les chevaux.

Utilisés par nombre de voyageurs, ces lézards géants pouvaient parcourir des distances considérables en une seule journée. Le cavalier n'avait qu'à s'accrocher fermement au rênes et il pouvait se rendre en n'importe quelle destination à la vitesse de l'éclair. Malheureusement, les esquiffeurs étaient des bêtes très fragiles et ne pouvaient transporter plus que leur propre poids : autant dire peu de matériel.

L'idée astucieuse qu'avaient eu les deux martiens était de suivre la célèbre route du Cardian-Guelen, une voie commerciale très empruntée par les voyageurs expérimentés. A plusieurs points réguliers, des haltes pouvaient être faites dans ce que les terriens appellaient des Aménases. En ces escales, il était possible de se réapprovisionner, se reposer et, surtout, acheter de nouveaux esquiffeurs car peu d'entre eux pouvaient survivre à un si long voyage.

Le trajet était simple, ils quittaient depuis le pôle Sud la tundra de l'Antaride et prenaient pour cap la 70ème longitude du globe. Après plusieurs kilomètres dans de tortueux marécages, ils arriveraient aux frontières du désert austral puis apercevraient les hauteurs du mont Mawson. C'est alors qu'ils suivraient les crêtes arides jusqu'au fort de Cathor, installé au sommet du mont Ross.

S'ils étaient amenés à croiser des autochtones, bien entendu, le pacte Protector leur interdisait de dévoiler leur identité, ou même de parler du système solaire. Aucune technologie ne devait être démontrée, Steen avait tout de même caché un alesard sous sa veste noire. On n'était jamais trop prudent.

Le martien faisait passer son exosquelette pour une armure sophistiquée, le robot en faisait de même concernant son apparence non biologique. Le plan était simple et rien ne pouvait l'interrompre. Du moins, cela se déroulait à merveille jusqu'à ce qu'ils croisèrent la route d'un étrange être vivant à l'aménase de Sekaïa.

Ce jour là, ils avaient voyagé plus de dix heures sur leur monture. La température avoisinait les 30 degrés. Le sol se réchauffait peu à peu. Au soleil, le ressenti était plus élevé. Steen avait presque manqué d'eau, lui qui ne savait pas se rationner, et s'était pris une énième réprimande de son comparse le robot :

« Vous devriez faire attention à votre consommation, monsieur Kelter. Vous ne voudriez pas boire mon liquide de refroidissement en cas d'extrême urgence. »

Le martien avait réagi en une seule grimace de dégoût.

Ils étaient alors arrivé près de la bâtisse en pierre, maintenue par quelques poutres de bois asséchées. Deux hommes coupant des bûches les regardèrent avec des yeux circonspects, machouillant du tabac à chiquer derrière leurs dents abîmées. Dans la bâtisse, un âtre fumait encore du feu de la veille. Les nuits étaient froides, malgré la chaleur étouffante du jour. La porte mit fin à un éternel grincement en se claquant avec fracas.

Dedans, c'était le désert social. Au fond, trois vieux baroudeurs jouaient avec des cartes usées, ignorant royalement les deux inconnus en armure. Derrière un comptoir en bois massif, un vieillard bourru époussetait pots et pichets tachés. Son regard bleu pâle se posa sur eux quelques secondes, puis il reprit son travail, disposant délicatement chaque verre dans une étagère, posée à cet effet. L'un des trois loubards du fond se mit à crier :

« Boarf ! C'est pas d'main la veille qu'on verra débarquer des donzelles dans c'te taudis moi j'vous l'dis !

— Haha, c'est sûr qu'il n'y a que des drôles de types en armure par ici ! railla un autre en jetant ses cartes sur la table, désignant les deux inconnus d'un geste du menton.

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