À nos prochaines rencontres 1

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— Ne me parle pas du Seigneur, scanda le jeune homme. Reste un peu, s'il te plaît. Juste un peu plus de temps... Si tu as vraiment peur de voyager la nuit à Jiǎo huá, je t'accompagne. Mais...!

— Mais quoi ?

L'alchimiste termina sa tâche et se redressa dans sa direction. Son visage reflétait clairement ce qu'il pensait. En fait, il s'était entiché de ce cadet, sadique et effronté. Cela le peinait également de le quitter, mais il n'avait pas le choix. Une semaine, pas plus. À quoi bon faire traîner les choses en longueur ? Une heure ne changerait rien à la situation. Mieux valait se saluer au plus tôt et séparer leur route. Wulong savait que ce ne serait pas aisé pour Yichen. C'est pourquoi il essaya de paraître le plus doux possible.

Il s'approcha de lui et l'enlaça de la manière la plus affectueuse, ses mains encerclant sa nuque. D'abord hésitant et froissé, le guerrier de Jiǎo huá ne répondit pas ; mais ses doigts glissèrent brusquement dans son dos et le tira à lui, avec un désespoir évident. Yichen le serra, se fondant presque l'un dans l'autre. Wulong lui chuchotait des paroles réconfortantes, des promesses de retrouvailles.

— Pense un peu à Liang. Il doit certainement s'impatienter à la fenêtre, guettant mon retour. Il me faut rejoindre mon petit, et tu le sais. Je t'en prie, Yichen, ne joue pas à l'enfant capricieux. Hum ? Tu me promets d'être sage ?

— Arrête de me traiter comme ton Liang...

— Arrête d'agir comme Liang. 

Voilà la raison principale pour laquelle Muwen était parti si tôt. Pour ne pas affronter ce genre de déchirements.

Puisqu'il sentait que son cadet ne le lâcherait pas dans l'immédiat, il les dirigea jusqu'à son lit et ils s'assirent, toujours dans les bras de l'autre.

Dans la chambre adjacente, Hiwang n'ouvrait pas les yeux. Il s'était entièrement habillé et ses affaires étaient prêtes ; parce qu'il partait avec Wulong , il s'était préparé tôt pour ne pas ralentir l'alchimiste. Or, maintenant que l'heure sonnait, il ne voulait plus s'en aller, très à son aise dans ces draps chauds. Il prétendait dormir, produisait même de faux ronflements, mais Xian-Jun souriait à ces vaines tentatives. Le Jeune Maître avait constaté que le fidèle de Hù lǐ se couchait toujours dans la même position, ce qui n'était pas le cas, ce matin. Il était dos à lui, pour le bien de sa comédie grotesque. Signe que le plus jeune essayait de le berner avec ces bruits feints.

— Inutile de prolonger votre mascarade. N'ayez crainte, bougre borné et insolent ! Nous nous reverrons, affirma l'aîné d'une voix rauque. Malheureusement !

— Pourquoi aurais-je envie de rencontrer de nouveau un Jeune Maître grincheux et mauvais perdant ? contra le Seigneur, sans ouvrir les yeux. Un sale vaurien.

— Je ne suis pas mauvais perdant, objecta Xian, tranquillement.

— Bien sûr que si ! Souvenez-vous, hier, la partie de Perdrix Blanche. Vous vous êtes vexé au point de vous cloîtrer dans votre chambre.

— Chambre de laquelle je peux vous éjecter, alors ne riez pas trop. Et je n'aime pas les tricheries, voilà tout !

Au final, le cadet souleva ses lourdes paupières et ancra son regard dans celui du Jeune Maître qui lui sourit d'une lueur chaleureuse. Hiwang n'agirait pas comme le guerrier de Jiǎo huá, il ne s'accrocherait pas aux bras de Xian pour ne pas le quitter, mais cela l'ennuyait beaucoup plus qu'il ne l'imaginait.

Toute la nuit, il avait réfléchi ; cet homme connaissait son secret, à propos de sa magie noire qu'il ressentait en son être à chaque seconde. Parce qu'il partageait son fardeau, parce qu'il le soutenait, parce qu'il se divertissait en sa compagnie, parce qu'il était devenu un ami précieux et parce que cette semaine lui avait plu, il avait du mal à se déloger de ce lit.

Il aspira à lui exposer le fond de ses pensées, mais ce serait sordide. Après tout, peut-être que l'héritier n'en avait rien à faire de lui et qu'il souhaitait rentrer chez lui au plus vite. Le chassait-il de sa couche pour cette raison ? Non. Car il ne le scruterait pas avec cet air désolé.

— L'ivresse ne vous assaille plus, n'est-ce pas ? s'enquit le Jeune Maître. Je vous déconseillerais de monter à cheval en étant saoul.

— Non, je me porte déjà bien mieux grâce à cette bonne nuit.

— Très bien.

— Oui.

— En effet.

— Oui, répéta Xian.

Hiwang étira tout à coup ses lèvres et bondit hors du lit. Assez ! s'imposait-il. Il ne fallait pas s'éterniser au risque de ne plus se décoller de son ami. Celui-ci s'était aussi allongé à ses côtés, mais avait revêtu une tenue confortable de voyage. Des serviteurs s'étaient faufilés dans sa chambre tantôt pour rapatrier ses bagages à Zhī dào. 

La fosse des LamentationsWhere stories live. Discover now