⚜️51. Les confessions de Klazi 1/2⚜️

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– Vous ai-je donc parlé de la reine de la Terre-Mère ? demanda Klazi en buvant un verre. Ah, quelle beauté, quel charme ! Une peau d'ébène aussi douce que les ailes d'un papillon, des yeux si profonds qui vous envoûtent pour vous emprisonner à jamais eu eux ! Et son corps...Oh, par toutes les rivières des roses, il est magnifiquement dessiné, un parfait chef-d'œuvre !

Frijia était assise près de la cheminée, guettant le roi brun du regard tout en s'empiffrant de délicieux petits gâteaux.

– Est-ce vrai qu'elle possède un bras de fer ? le questionna l'une des filles de leur hôte, absorbée par les histoires que leur contait le roi depuis...deux bonnes heures.

Klazi décroisa les jambes, sa chemise en soie dévoilant sa poitrine pâle et deux cicatrices formant une croix.

– L'on ne peut être parfait sans imperfections ! répondit-il avec de grands gestes. Souvent, c'est un petit défaut qui fait le charme d'une personne, un petit défaut qui la rend unique à nos yeux. La reine de la Terre-Mère a bel et bien un bras de fer...son bras droit plus précisément.

Frijia posa le dernier gâteau et souffla. Elle avait beaucoup trop mangé. Elle lança un regard vers la porte sur laquelle l'ombre du feu de la cheminée dansait. Horn vérifiait que tout allait bien, accompagné de leur hôte. Le mari de cette dernière était quant à lui aux côtés de ses filles, écoutant d'un air distrait les bavardages incessants du roi brun. Les autres hommes étaient postés de part et d'autre de la pièce, certains à l'étage.

Les ordres de Vergaï étaient formels : tout devait être sous contrôle, car tout était possible à Lenterov. Klazi avait même amené son Goûteur, un vieil homme aigri qui avait pour tâche de goûter les plats de son roi pour s'assurer de l'absence de poison.

– C'est impressionnant ! fit l'une des sœurs en tirant Frijia de ses réflexions. Cela est donc vrai...c'était durant un siège que son bras lui a été arraché...

– Son père est parvenu à la sauver de justesse, acquiesça le roi. Hélas, il a péri...que son âme puisse voguer éternellement sur l'océan des étoiles.

Frijia prononça ces mots pour elle-même, habituée à souhaiter bon voyage aux morts. Un silence religieux s'installa dans la pièce, seulement perturbé par le crépitement du feu.

Dans les royaumes du Nord, voilà ce qu'était la mort. Un voyage infini, un corps brûlé sur une barque lancée sur l'eau, sous le ciel nocturne, l'océan des étoiles. D'après les croyances que partageait le peuple des Royaumes Antiques, le feu consumait le corps du mort pour ôter toutes les impuretés amassées durant sa vie. Une fois le corps carbonisé, l'âme brillait comme des milliers de diamants et, étant désormais dénuée de tout mal, elle s'envolait vers le ciel, là où elle trouvait sa place aux côtés des autres âmes : les étoiles. L'on disait que ce que l'on appelait « constellations » étaient en fait des âmes reliées entre elles par un lien puissant, car elles étaient des familles ou des amours perdus, séparés par la vie.

Frijia prenait cela très au sérieux, elle y croyait très fort. Ceux qu'elle aimait, une fois morts, l'attendraient dans le ciel, veillant sur elle, faisant scintiller leur manteau coruscant certaines nuits afin de lui donner de l'espoir et lui murmurer « je suis là, avec toi ». Et elle savait que plus l'on évoquait la mémoire d'un disparu, plus on lui souhaitait un bon voyage, plus l'âme cramponnée dans le ciel scintillera, le cœur réchauffé, rassurée d'être restée dans les mémoires.

Beaucoup de personnes, notamment les habitants des royaumes Élémentaires, n'y croyaient pas. Ils pensaient que la mort était le retour à l'état fondamental de l'Homme : la poussière. Et qu'à la mort, l'âme se désintégrait pour finir en poussière, et nourrir la terre. La mort de l'un engendrait la vie. A cela, Frijia répondait toujours « et donc, que sont les étoiles pour toi ? Que sont ces choses que l'on aperçoit dans le ciel ? Ces choses brillantes, ces choses que l'on appelle « astres » ? Je préfèrerai penser que mon âme aille voguer sur l'océan des étoiles pour veiller sur les miens, que de me savoir vouée à disparaître ».

The Frozen Throne : le royaume des démons blancsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant