Je jure d'être là

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A partir du moment où elle m'avait raconté ce qui était arrivé à sa famille, je n'avais en tête qu'un seul adjectif pour qualifier Léonie. Ce n'était pas maudite, triste, mauvaise, méchante, faible ou quoi que ce soit de péjoratif. C'était: courageuse. Il fallait être courageuse pour surmonter la mort de son frère. Il fallait être courageuse pour supporter la vue de ses parents haineux morts. Et il fallait être courageuse pour encaisser les moqueries et les insultes pendant plusieurs années, et dévoiler tout ça à quelqu'un qui ne la connaissait pas d'avant ces drames. Alors, docilement, je la suivi jusqu'au point de départ: la ruine. Quand j'ai dû la rejoindre en début de matinée, je l'admets, je ne savais pas si je devais monter, et j'avais fait le tour, au sol, pour voir si elle était en bas. Mais quand j'ai vu qu'elle avait les pieds dans le vide, j'ai pris peur et j'ai monté le plus rapidement possible les escaliers. Quand je suis arrivé en haut, je la vis de dos, elle semblait calme, ailleurs, très loin de tout. C'est pourquoi je l'ai appelé; je voulais vérifier qu'elle allait bien. Quand elle s'était tourné vers moi, son regard triste et heureux en même temps me fit une boule dans la gorge, mais une chose était sûr, elle n'allait pas sauter. Puis elle a commencé à parler et j'ai compris que ce que je devais faire, c'était lui montrer mon soutien, sans la couper dans ses récits dramatiques.

_ Enfin, voici la dernière raison pour laquelle je suis là fille maudite, dit-elle une fois que nous étions au pied de la tour. Rassure-toi, pas de mort cette fois. Juste une histoire d'amour et d'amitié qui s'est mal terminée. C'est ici que mon premier et dernier petit ami m'a donné rendez-vous. Tu vois, au collège, je n'étais pas tout à fait comme ça. Je veux dire, niveau vestimentaire, je m'habillais comme toutes filles normales. Sauf que, pour la plupart des garçons, j'étais une belle chaire fraîche, le jackpot qu'il fallait réussir à gagner avant la fin de la troisième. Moi je ne leur prêtais pas attention, et Julie était ma meilleure amie à l'époque, elle était tout l'inverse de moi, elle aimait leur plaire, sortir avec et les larguer pour un autre. Puis, pour la première fois, un garçon lui a dit non, lui a dit qu'il était sincèrement amoureux de moi. Je ne sais plus comment, mais on a finit par être ami, et ensuite sortir ensemble. Julie était jalouse. Ce garçon était nouveau dans le coin, et ne connaissait pas mon histoire. Et je lui ai toujours caché. Mais après quelques mois de relations, Julie lui a tout raconté, mais à sa version: j'avais noyé exprès mon frère et j'avais fait exprès de rendre fous mes parents. Il a rompu avec moi ici et il s'est mit avec Julie. J'ai eu beau lui expliquer, il n'a rien voulu entendre. J'étais la méchante et maudite fille de la ville de Nitchville. Et depuis, je me "cache", pour que les garçons m'oublient, me laissent tranquille, et c'est depuis la seconde que ça marche.

Elle se tut, me laissant à nouveau du temps pour m'imprégner de ces informations. Puis, après quelques minutes, elle ajouta:

_ Maintenant, tu sais tout, de ma vie, de mon passé... Et je comprendrai si tu ne veux plus me parler. Après tout, je suis maudite, non ?

Elle releva la tête à la fin de sa phrase, et une unique larme vint couler sur sa joue.

_ Non, tu n'es pas maudite. Et je te promet que, quoiqu'il arrive, je serai là.

Ces mots étaient sortis sans que je réfléchisse, et je les pensais sincèrement.

_ C'est vrai ? Tu n'as pas peur qu'il t'arrive quelque chose à cause de moi ?

_ Tu crois réellement que c'est de ta faute ?

_ Bah... ouais.

_ C'est ridicule. C'est le destin qui a décidé de faire tout ça, et je sais, c'est cruel. Mais sans tous ces événements, tu n'aurais pas été aussi courageuse.

_ Je... Je... Merci Jason.

Je lui fit le sourire le plus sincère puis, je décidai qu'il était temps de me confier moi aussi, de lui montrer que je lui faisait entièrement confiance.

_ Tu sais, mes parents sont en train de divorcer ?

Elle hocha de la tête.

_ C'est parce que ma mère a découvert que mon père la trompait avec plusieurs femmes, et ce, depuis des années. J'ai même un demi-frère et une demi-soeur ! Mais ma mère ne sait pas que je suis au courant de leur existence, et je ne suis même pas sûre de les rencontrer un jour. Je sais que ce n'est pas aussi terrible que ce que tu as vécu mais...

_ Mais il n'y a pas de mais Jason. Aucune situation n'est plus ou moins douloureuse que d'autre, elle font toute mal de la même façon, pour chacun d'entre nous.

Je me tus et retenai ces paroles pleines de sagesse. Avait-elle seulement 17 ans, pour sortir ce genre de chose ? Je me forçai à sourire, et hochai de la tête. Silencieusement, nous nous sommes assis au sommet de la tour, en regardant par dessus les arbres la vue qui s'étendait à l'infini. Et j'ai aimé faire ce moment de silence, je suis qu'elle aussi à aimé. Ce genre de silence ne pèse pas, il est léger, et quand un courant d'air passait, j'avais l'impression qu'il emportait les mauvaises choses avec lui.

Et c'est en regardant Léonie, le visage totalement exposé à la lumière, un léger sourire planant sur son visage, que je réalisait qu'elle n'était peut-être pas qu'une amie. Mais était ce juste de ressentir cela vis à vis d'elle ? Ou devais je passer outre, pour conserver notre amitié si spéciale ?

Cette Fille ne sourit plusWhere stories live. Discover now