22. croisière.

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— Je suis là, Annekee. 

Matthijs arrête sa voiture devant la grosse villa de Sigrid Barlagen-Bussemaker. Il tire le frein à main, avant de raccrocher et de chercher Annekee des yeux. La jeune femme est assise sur le trottoir devant le portail de la demeure luxueuse de trois étages. En pyjama rayé sous un manteau fin, elle tremble tandis qu’elle tente de réchauffer ses mains en soufflant sur ses doigts. En la voyant aussi vulnérable et peu vêtue, Matthijs s’empresse de sortir de son véhicule pour la rejoindre au plus vite. Tout ce qu’il souhaite, c’est qu’elle se sente mieux. 

Lorsque Annekee lui a téléphoné une demi-heure plus tôt, il était plongé dans un profond sommeil. Dans quelques heures, l’Ajax Amsterdam affronte Feyenoord à la Johan Cruijff Arena. Et évidemment, Matthijs est titulaire. Cependant, ce paramètre n’a pas freiné le moins du monde le capitaine des Godenzonen. La jeune femme semblait avoir besoin de soutien et de réconfort ; il n’allait pas se faire prier. Surtout depuis qu’il a réalisé quelques jours auparavant qu’il était très probablement amoureux d’elle. 

Matthijs s’approche de Annekee, qui demeure dans sa bulle, recroquevillée sur elle-même. En remarquant qu’une personne se tient devant elle, elle lève cependant la tête et leurs yeux se croisent. Matthijs reste un moment silencieux, tandis qu’elle l’observe d’un air surpris—comme si elle ne s’attendait pas à ce qu’il vienne réellement. Ses traits sont tirés par la fatigue et la tristesse, mais il ne peut s’empêcher de la trouver magnifique. Dans son regard, le jeune défenseur arrive également à distinguer de la détresse. Cependant, dans les ténèbres de ses yeux brille une petite lueur de soulagement. 

Matthijs sent ses lèvres s’incurver en un sourire, alors qu’une idée germe doucement dans sa tête. 

— Salut, 

— Salut. 

Annekee répond d’une voix peu assurée, peinant visiblement à croire qu’il se trouve devant elle. Matthijs tend sa main pour l’inviter à la saisir, ce qu’elle fait après quelques secondes d’hésitation. La jeune femme paraît un peu perdue—ça lui broie le coeur, réellement—mais il se promet de faire en sorte d’apaiser ses tourments. Et il pense avoir trouvé une solution pour y remédier de manière temporaire. 

— Ca te dit de venir faire un tour avec moi ? Matthijs propose, gardant toujours ses doigts frigorifiés entre les siens.

Annekee accepte sans réfléchir. Matthijs l’aide à se redresser, et alors qu’elle plonge son nez dans son cou, il frissonne. Elle est si froide qu’il se demande combien de temps elle a passé dehors à l’attendre sur ce trottoir. Pourtant, il n’a pas eu l’impression d’avoir mis si longtemps pour se rendre devant chez elle. Matthijs en profite ensuite pour l’entourer de ses bras, puis ils se dirigent tous les deux vers son véhicule. Annekee se laisse faire, manipuler comme une poupée de chiffon trop esseulée par la vie. 

Cependant, lorsque le capitaine de l’Ajax ouvre la portière du siège passager, puis entreprend de lui boucler sa ceinture de sécurité, elle trouve la force de le repousser. 

— Ca va, Matthijs.

Matthijs hoche la tête, avant de faire un pas en arrière. Annekee esquisse un faible sourire, mais il voit bien dans ses yeux qu’elle est encore très chamboulée. Il monte alors à son tour dans la voiture, le cœur en vrac à cette constatation. Avant de démarrer, il prend le soin de lui tendre un plaid pour la réchauffer ainsi qu’un thermos bouillant de thé. 

— Merci, Annekee souffle en posant le plaid sur ses cuisses, reconnaissante. 

— Par contre, j’ai oublié le sucre, Matthijs plaisante, pour détendre l’atmosphère, et ils se mettent rapidement en route. 

Au bout de quelques minutes, le footballeur sent le regard de Annekee lui brûler le visage. Il lâche une seconde des yeux la route pour se tourne vers elle et la regarder. Des larmes sont à deux doigts de franchir la barrière de ses paupières. 

— Je suis désolée, Matthijs, Annekee jappe, et il fronce les sourcils, ne comprenant pas sa réaction. 

— Quoi ? Pourquoi tu t’excuses ? 

— Il est bientôt trois heures, Annekee explique, secoue la tête et renifle. Tu devais sans doute dormir quand je t’ai appelé, tu as sûrement des choses à faire demain, enfin, tout à l’heure, et tu es quand même venu pour moi alors que—

— Non, Matthijs la coupe, doux mais catégorie. Annekee, t’excuses vraiment pas. J’avais très envie de te voir. 

Il ne lui ment pas pour lui faire plaisir, ce qu’il raconte est réel. Certes, Matthijs reste fatigué—il n’est qu’un homme, après tout—et il aurait sans doute préféré la rencontrer dans des circonstances où le désespoir ne brouille pas ses yeux. Cela ne change toutefois pas le fait que passer du temps avec elle le remplit d’une joie incommensurable. Il a paniqué quand il a vu son nom s’afficher sur l’écran de son téléphone à une heure aussi tardive, mais ça ne l’a pas empêché de prendre ses clefs de voiture et de bombarder sur la route pour la rejoindre le plus tôt possible. Annekee ne doit pas douter un seul instant de cela. 

— Une petite croisière, ça te tente ? Matthijs sourit, une fois garé près des canaux. 

Annekee écarquille les yeux.

— Comment ça, maintenant ? 

— Ouais, Matthijs acquiesce. 

Une balade en bateau mouche pendant deux heures est une des choses les plus agréables à faire à Amsterdam. Le jeune footballeur a pensé que ça pourrait probablement lui changer les idées. Observer les milliers de lumières qui mettent en valeur les centaines de ponts et bâtiments emblématiques le long des canaux de la ville, quoi de mieux pour retrouver le sourire ? La « Venise du nord » émerveille grâce à ses ponts, ses maisons bourgeoises et hôtels particuliers, et sa belle architecture.

Pourtant, Annekee secoue la tête. 

— Matthijs, c’est beaucoup trop. 

Et il la contredit : 

— Non, Annekee. Je veux que tu te sentes mieux, c’est pour cette raison qu’on est ici. Je sais que ça va pas fort en ce moment, que tu vis des moments plus que difficiles. Mais j’ai besoin que tu saches que je suis là pour t’épauler, t’écouter, toujours. Si t’as besoin de temps pour te livrer, ce que je comprends parfaitement, je t’attendrai tant que tu le voudras. T’es pas seule, je suis avec toi maintenant. 

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