02. séparation.

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— Vous êtes en train de commettre une erreur, Jantje déclare une fois que Sigrid a raccroché. Si vous décidez de l’emmener loin d’ici, loin de tout ce qu’elle a toujours connu jusqu’à présent, ça lui causera encore plus de peine.

Sigrid plisse les paupières avant de darder son regard froid sur Jantje. Ses talons claquent sur le carrelage du salon, alors que ses sourcils parfaits se haussent imperceptiblement. Jantje aurait dû baisser les yeux face à son air sévère, son chignon serré et sa carrure de femme d’affaires implacable. Mais elle refuse de se résoudre à le faire. Sigrid avance toujours vers elle, et elle se demande comment une personne aussi hautaine et glaciale peut être affiliée à Annekee, la jeune femme la plus chaleureuse et compréhensive qu’elle connaît.

— Personne ne t’a demandé ton avis, Jantje, Sigrid siffle, venimeuse.

— Je suis la meilleure amie de Annekee, Jantje rétorque sans se laisser démonter. Mon opinion comptera toujours pour elle, que vous le vouliez ou non.

Annekee et elle se connaissent depuis l’école primaire, et elles ont toujours été ensemble. Jantje ne compte plus les fois où elles ont dormi l’une chez l’autre, les sorties qu’elles ont organisé et toutes les bêtises qu’elles ont pu faire toutes les deux. Elles se sont confiées des choses qu’elles n’auraient jamais pu avouer à une autre personne, se sont toujours soutenues dans les moments difficiles. Elles sont devenues une même famille.

En repensant aux maintes descriptions que Gustaaf et Annakee ont fait de Sigrid, Jantje sent la colère bouillir en elle.

— Vous avez abandonné Annekee et son père treize ans auparavant, sans jamais chercher à les contacter. Si vous pensez que vous pouvez de nouveau entrer dans sa vie, et la commander comme si elle était encore une enfant, vous vous trompez lourdement. Anne ne vous considère plus comme sa mère depuis longtemps.

Les yeux de Jantje se remplissent de larmes. Annekee est sa seule vraie amie à Utrecht, alors elle se battra autant que nécessaire pour la garder auprès d’elle. Sigrid la regarde de haut, dans son tailleur de grand créateur et perchée sur ses escarpins hors de prix. Elle s’avance vers elle pour la dominer de tout son mètre soixante-quinze, et Jantje est un moment troublée par la ressemblance physique avec sa fille. Sous ses cils sombres, ses yeux bleus reflètent une mer profonde, sa peau luit comme les lys et ses cheveux semblent une nuée que le soleil colore.

Jantje s’efforce pourtant de se tenir droite, croise les bras sur sa poitrine et continue de soutenir son regard. Sigrid secoue la tête, son chignon effleurant le col de sa chemise immaculée.

— Ne me dis pas quoi faire avec ma fille, l’avertit-elle en pointant un doigt menaçant devant elle. Ce sont des histoires de famille, et tu n’es pas concernée.

— C’est vous qui ne l’êtes pas, Jantje la contredit.

Le téléphone de Sigrid sonne, mais elle ne cesse pas sa lutte visuelle avec Jantje pour autant. Au bout de quelques secondes, elle finit néanmoins par craquer et recommence à marmonner à propos de son travail. De ce que Jantje sait, elle occupe une place importante au sein du ING Group, une institution internationale de banque et d’assurances d’origine néerlandaise—accessoirement l’une des premières banques européennes. Jantje finit par briser leur duel de regard, agacée. Elle se dirige tranquillement vers la chambre de Gustaaf avant de toquer.

Annekee l’autorise à entrer, mais son oreiller étouffe ses mots. Jantje finit par pénétrer dans la pièce au bout d’un certain temps. Rien n’a bougé depuis le décès de Gustaaf, à part quelques affaires appartenant à Annekee qui traînent dans les coins de la pièce. Rien d’étonnant puisqu’elle dort dans la chambre de son père depuis qu’elle a appris la nouvelle. Jantje s’installe à ses côtés, et Annekee ne bouge pas d’un pouce en sentant le matelas s’abaisser. Elle ne hurle plus, mais ne s’arrête pas de pleurer comme le montre les soubresauts qui secouent son corps.

D’un geste rassurant, Jantje se met à caresser les cheveux de son amie. Elle aimerait tant trouver une solution pour régler ses problèmes—d’abord la maison, l’argent, puis sa mère. Mais rien ne vient, et Jantje ne peut que constater son impuissance. La seule chose qu’elle peut faire pour Annekee, c’est lui apporter un peu de réconfort et atténuer sa douleur. Alors elles restent ensemble sur le lit en silence, Jantje berçant doucement son amie pour l’aider à s’endormir. Annekee aurait voulu se redresser et discuter avec elle, sauf qu’elle n’en a pas la force. Elle essaye de s’asseoir une fois, mais Jantje lui chuchote de rester là où elle est et de ne pas chercher à se déplacer.

Annekee ne cherche pas à contester. Ses yeux azurs finissent par se fermer après de nombreuses minutes, sa respiration ralentit et elle s’endort. Jantje laisse ses larmes couler une fois qu’elle est certaine que Annekee dort. Gustaaf était comme un second père pour elle, et sa disparition l’atteint beaucoup. Sans compter qu’elle n’a plus que quelques jours—probablement quelques heures—à passer avec sa meilleure amie. Annekee se rend à Amsterdam contre sa volonté, et il s’écoulerait surement des mois avant qu’elles ne se retrouvent pour de bon.

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j’espère que vous aimerez cette histoire, je vous préviens, elle ne va pas être très folle mais je vous promets qu’elle vous fera passer le temps hehe

KETTING┃m.de ligt (✓)Where stories live. Discover now