16. impatience.

384 44 10
                                    

Matthijs souffle en contemplant son reflet dans le miroir de sa chambre. Il tourne sur lui-même avec une moue dubitative, persuadé que le gros pull à mailles gris qu’il vient d’enfiler le boudine. Il finit par l’ôter comme les vingt-six sweat-shirts et chemises jetés sur son lit, décoiffant pour la énième fois ses cheveux au passage. Il est déjà onze heures du matin, et Matthijs devrait être prêt depuis tout ce temps-là. Mais il ne parvient pas à trouver la tenue idéale pour se rendre à son rencard avec Annekee. 

Matthis sait que c’est parfaitement ridicule de se prendre autant la tête pour de simples vêtements. Pourtant, il tient vraiment à ce que Annekee le trouve à son goût cette après-midi. En temps normal, Matthijs est un jeune homme sûr de lui dans la vie de tous les jours et sur les terrains de football. Sauf qu’il a remarqué que lorsqu’il se trouve à proximité d’elle, il devient soudainement très nerveux et doit redoubler d’effort pour ne pas perdre ses moyens. Alors aujourd’hui, il veut mettre toutes les chances de son côté. 

Après avoir une nouvelle fois retourné son armoire à la recherche de quelque chose de passable, Matthijs trouve un col roulé beige qui lui paraît assez correct. Sans mettre plus de temps, il s’asperge ensuite de parfum pour homme réputé pour ensorceler les jeunes femmes, enroule une jolie montre autour de son poignet et ne manque pas de recouvrir sa tenue d’un manteau noir élégant. Matthijs jette un autre coup d’œil à sa glace, passe une main dans ses mèches blondes pour tenter d’arrnager sa coiffure. Il est beaucoup trop élégant pour se rendre dans une brasserie.

— Je vais demander aux gars..., Matthijs marmonne en saisissant son téléphone portable pour parler à ses coéquipiers sur leur groupe whatsapp.

Au moment où il s’apprête à envoyer une photo de sa tenue sur la discussion, une petite voix lui souffle que c’est une très mauvaise idée. Même si ses partenaires de jeu ont été heureux quand il leur a annoncé qu’il avait retrouvé Annekee et qu’ils avaient même été à un rendez-vous, les taquineries fusent tous les jours dans les vestiaires depuis. C’est surtout Donny qui s’en donne à cœur joie avec ses allusions et ses plaisanteries. Matthijs ne va sûrement pas donner le bâton pour se faire battre. 

— Non, Matthijs secoue la tête en enfonçant son cellulaire dans son manteau. Ça devrait le faire.

Il se regarde une nouvelle fois, assez satisfait du résultat, avant de prendre ses clefs de voiture et son porte-feuille. Matthijs n’oublie pas de refermer la porte de son appartement en partant. Matthijs a déménagé quelques semaines auparavant dans un immeuble situé près du stade Johan Cruijff Arena pour des raisons pratiques. Ça lui fait toujours bizarre de ne plus vivre avec ses parents ainsi que son frère et sa sœur, mais il commence doucement à s’habituer à sa nouvelle solitude.

Il est à peine onze heures trente lorsqu’il démarre le moteur de sa grosse Berline. C’est beaucoup trop tôt, il en est conscient ; Annekee et lui doivent se retrouver seulement à treize heures. À part traîner comme un parfait psychopathe devant l’université de la jeune femme, Matthijs ne peut rien faire d’autres. Il est si excité qu’il ne parvient pas à tenir en place une seconde. L’impatience à l’idée de la voir croît de plus en plus au cours des minutes. 

C’est un appel téléphonique qui l’empêche d’abaisser le frein de parcage. En parlant du loup, le numéro d’Annekee apparaît sur son écran.

— Allô ? Matthijs décroche, peinant à contenir sa nervosité et sa joie.

— Salut. 

Matthijs fronce immédiatement les sourcils. La voix de Annekee est étrange, comme enrouée. Le timbre de sonne exactement de la même manière après une défaite de l’Ajax, lorsqu’elle a terminé de se lamenter et de pleurer toutes les larmes de son petit corps. Annekee ne paraît pas en forme—pire encore, il a l’impression qu’elle a vécu une soirée éprouvante—ce qui provoque une bouffée d’inquiétude chez le footballeur. En la quittant hier soir, elle allait bien. 

— Tout roule ? 

— Euh, ouais, ouais, et toi ? Annekee répond, mais elle semble hésitante. 

— Carrément, Matthijs hoche la tête, décidant de ne pas plus insister car il se doute qu’elle continuera de lui mentir tant qu’ils ne seront pas face à face. Je suis en train de me mettre en route pour venir te chercher. Je ne serai pas très long.

— Justement, je t’appelais pour te dire qu’il y avait un changement de programme.

Matthijs se fige aussitôt, téléphone à la main. Son coeur rate un battement, et pendant un court instant, il panique parce qu’il a peur qu’elle annule leur rencard. Il ne puisse pas être en mesure de la rencontrer pour percer à jour son problème. 

— Je suis désolée de te prévenir à la dernière minute, mais je te rejoindrai directement à la brasserie, tu n’as pas besoin de venir me chercher devant la fac. Je me sentais pas très bien en me réveillant ce matin, alors je suis restée à la maison pour me reposer un peu. Je viendrai à treize heures, est-ce que c’est bon pour toi ? 

— Ouais, bien sûr, Matthijs hoche la tête, même si elle ne peut pas le voir. 

— Merci, Annekee souffle, soulagée. 

Matthijs pince les lèvres avant de passer une main dans ses cheveux. Il avait donc raison de s’inquiéter. 

— Mais si t’es malade, on peut annuler et se revoir une autre fois. Je veux pas que ta santé s’aggrave à cause de moi. 

— Non, je t’assure, tout est OK, Annekee s’affole presque, et la détresse dans sa voix est si puissante que Matthijs a envie de se précipiter tout de suite chez elle pour la serrer dans ses bras. Je veux vraiment te voir. 

— D’accord, Matthijs décrète, ne pouvant empêcher ses lèvres de s’incurver en un sourire. Je veux vraiment te voir aussi.

Lorsqu’ils raccrochent pourtant, son expression redevient grave. La seule chose qui pourrait le faire sourire de nouveau, c’est l’air serein et les yeux azurs de Annekee. 

KETTING┃m.de ligt (✓)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant