10. barman.

329 43 20
                                    

— Je sais que tu m’as dit de te laisser tranquille, mais j’ai une idée.

Annekee est en train de fouiller dans les placards et les tiroirs du séjour, espérant trouver son collier. Leen est restée fidèle à sa parole. Elle a fait son lit, et a même rangé sa chambre en remettant ses affaires sur son bureau. Ce qui est réellement surprenant, c’est qu’elle a aussi mis ses vêtements sale dans la machine pour la faire tourner ensuite. Depuis son arrivée à Amsterdam, Annekee n’a jamais vu Leen participer autant aux taches ménagères.

— Quoi ? Annekee stoppe tous ses mouvements et lève les yeux vers elle. Qu’est-ce que tu as dit ?

— Peut-être que quelqu’un a rendu ton collier au barman ? Je sais que ça paraît un peu improbable, mais ça ne fait pas de mal de vérifier, non ? Tu pourrais aller à l’Escape et demander, ça ne coûte rien.

Annekee cligne des yeux plusieurs fois, ahurie. Est-ce que Leen est réellement en train de l’aider ? Annekee ne comprend pas, sa grande sœur se fiche bien d’elle. Elle n’a jamais cherché à établir un lien depuis le divorce de leurs parents, et depuis le décès de Gustaaf, elle évite les contacts avec elle—sauf pour lui donner des ordres et la rabaisser. Cette situation est clairement inédite. Annekee ne sait plus sur quel pied danser.

— Pourquoi est-ce que tu m’aides, Leen ?.

Leen hausse les épaules.

— Ce collier a clairement une signification pour toi. Et si tu le trouves, tu peux en fin arrêter de mettre le bordel dans la maison, ce qui signifie que Maman ne va pas crier, Leen explique, et Annekee est étonnée parce qu’elle n’a jamais dit du mal de Sigrid devant elle. Je déteste aussi le son de sa voix.

Annekee reste pensive un moment, se demandant si une personne aurait vraiment pu rendre son pendentif au barman ou à un des videurs.

— Maman sera de retour dans une heure maximum, tu ferais mieux de partir maintenant. Je te couvrirai. Mais reviens avec quelque chose, genre, un dîner par exemple. Et s’il te plaît, rappelle-toi qu’elle fait un régime, Leen finit par dire, et Annekee acquiesce.

Elle prend rapidement ses affaires, appelle un taxi pour rejoindre au plus vite l’Escape. Sur la route qui l’emmène jusqu’à la boîte de nuit, Annekee repense à Matthijs. Serait-il possible que le garçon avec lequel elle a dansé durant une bonne partie de la soirée ait son collier ? C’est sans doute farfelu, mais c’est également une possibilité qu’elle s’en veut de ne pas pouvoir exploiter. Si seulement elle avait pris le temps de lui donner son numéro de téléphone au lieu de s’enfuir comme une voleuse. De toute façon, Leen sait qu’elle est allée en boîte de nuit maintenant et elle n’en a pas parlé à leur mère.

Quel gâchis.

Soupirant, Annekee s’extirpe du véhicule en remerciant le chauffeur du taxi et se traîne jusqu’à I’entrée du night club. Elle entre facilement après avoir expliqué sa situation à deux armoires à glace postées devant la porte principale. La discothèque est presque déserte si elle ne compte pas le DJ qui branche toutes sortes de câbles sur sa table de mixage. Au niveau du rez-de-chaussée, un peu plus loin au fond de la salle, Annekee trouve finalement un barman d’une vingtaine d’années, occupé à passer un coup de chiffon sur son comptoir. Elle le salue rapidement, déjà lassée de savoir ses espoirs bientôt anéantis.

— Personne ne vous a rapporté de collier avant-hier ?

— Non, eh bien un téléphone portable, mais non, pas de collier, le barman répond, toujours son chiffon dans les mains. À quoi est-ce qu’il ressemble ? Je dirai au personnel d’être à l’affût.

Le barman est assez gentil, mais il a cette drôle d’expression sur son visage, comme s’il ne peut pas croire qu’Annekee lui demande vraiment de faire une chose pareille. Il n’a pas de temps à perdre avec des futilités telles que celle-ci, ils en sont bien conscients tous les deux. Annekee passe une main dans ses longs cheveux blonds.

— C’est un pendentif avec une croix en or, le prénom Gustaaf est gravé au dos.

— C’est tout ?

— Ouais, Annekee murmure. C’est tout.

Le barman hoche vigoureusement la tête, mais ils savent très bien l’un comme l’autre que ce collier est perdu pour toujours. Avec les milliers de personnes qui fréquentent l’Escape tous les soirs, qui serait assez stupide pour revenir un matin avec une gueule de bois d’enfer pour rendre un pendentif ramassé la veille ou l’avant-veille ? Annekee se trouve stupide d’avoir espéré.

— Bon, si quelqu’un te le ramène ou en parle, est-ce tu peux m’appeler ?

Le barman acquiesce tristement et lui tend une serviette et un stylo. Annekee note soigneusement son numéro de téléphone avant que les larmes ne tombent sur ses joues. Le barman lui promet que s’il entend quelque chose à propos de son collier, il l’appellera instantanément. Mais quand elle se détourne pour partir, elle le voit jeter son numéro à la poubelle.

Le soleil dehors ne fait que brûler ses yeux. Rapidement, Annekee fouille dans son sac à mains et sort ses lunettes de soleil. Honnêtement, elle ne sait pas ce à quoi elle s’attendait. La plus grande partie de son cerveau lui crie d'abandonner, sachant que rien ne marcherait dans son sens. Mais une petite partie d’elle-même, presque minuscule, lui murmure que tout peut arriver. Elle aurait pu se laisser tenter et l’écouter si seulement l’univers ne s’appliquer pas toujours à lui asséner déceptions sur déceptions.

Annekee souffle, met ses mains dans les poches de sa veste, et se dirige péniblement vers sa maison.

KETTING┃m.de ligt (✓)Where stories live. Discover now