06. robe.

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La famille Houwaert habite dans un petit espace au dessus du De Vier Philaren. La plupart des gens pensent que c’est un espace de stockage, mais seule Annekee connaît la vérité. Après son service, elle monte donc pour se changer dans la chambre de Magda tandis que Johannes l’attend patiemment dans le salon. Mais même si elle fait la même taille que sa grande sœur, elle ne peut pas s’empêcher d’être réticente quand il lui tend une espèce de tissu minuscule bleu marine. Johannes a sans doute fait le bon choix ; elle ne peut pas se rendre dans la boîte de nuit la plus populaire de Amsterdam avec un jean basique et une vieille veste de survêtement.

Annekee décide de l’enfiler au bout du compte. C’est une robe à l’épaule asymétrique qui ne s’arrête que quelques centimètres au-dessus de ses cuisses. Elle est courte à tous les niveaux, mais après quelques verres, Annekee ne se rendra sûrement pas compte de ce que le mot court signifie. Elle est aussi probablement trop petite ; le tissu se serre autour de sa poitrine et de ses côtes, rendant l’inhalation et l’expiration profondément douloureuses. Annekee ne se sent pas à l’aise du tout dans cette tenue, et c’est embarrassée par ses jambes nues et son décolleté qu’elle se dirige vers le salon pour rejoindre Johannes.

— T’es très jolie, Johannes plaisante en la voyant. Et cette robe te va bien mieux qu’à ma sœur.

Annekee roule des yeux, et Johannes rit lorsqu’elle grimace. Elle n’est pas habituée à porter des talons aussi hauts, étant aussi maladroite. Elle arrive à peine marcher sur un terrain stable avec des baskets, alors danser avec des escarpins est toute une aventure. En fin de compte, Annekee aurait sans doute préféré dîner au restaurant, puis regarder un film dans la chambre de Magda pour se remonter le moral.

— On peut y aller ? Annekee demande, gênée.

Johannes est appuyé contre l’embrasure de la porte, la fixant de haut en bas d’un regard appréciateur. Avoir toute cette attention sur elle est peu commun et complètement bizarre. Annekee essaye donc de couvrir sa poitrine en croisant les bras, mais ça la fait paraître plus grosse encore. Où est Ernestina ? Si elle est là, Johannes rangerait au moins ses yeux.

— Yep ! Johannes acquiesce en attrapant ses clés de voiture.

Un peu plus tôt dans la soirée, il lui a dit qu’il ne compte pas boire parce qu’il a cours tôt le lendemain matin. Annekee comprend ; Johannes étudie les affaires et l’économie pour être mieux préparé lorsqu’il reprendra le restaurant familial dans quelques année. En réalité, il utilise cette excuse pour plaire aux filles. Quand elles voient un homme qui semble assez intelligent et qui porte de beaux vêtements, elles craquent rapidement. Mais ce stratagème n’a jamais fonctionné avec Annekee.

Le trajet jusqu’au club n’est pas aussi inconfortable, fort heureusement. Annekee ne cesse de tirer sur l’ourlet de la robe pour s’assurer que tout est bien couvert, tandis que Johannes et elle discutent—se chambrent plutôt. Mais quand elle distingue finalement les lumières aveuglantes de l’Escape et la file immense de personnes qui souhaitent entrer dans la discothèque, sa bonne humeur redescend et elle pousse un soupir défaitiste.

— On ne va jamais réussir à entrer, Annekee gémit, et Johannes éclate de rire en se garant sur le parking.

— Il n’est que minuit, réplique-t-il avant de bloquer le frein à main. T’es pressée, Anne ? Ou bien, tu veux rentrer à la maison ?

Johannes lui lance un regard complice, et Annekee secoue la tête. Elle ne veut plus jamais remettre les pieds chez Sigrid, en tout cas pas ce soir. Johannes a raison ; il n’est que minuit un vendredi soir. Demain, elle aurait probablement une longue liste de choses à faire, devrait réviser et préparer ses cours, mais elle pourrait gérer. Il fallait qu’elle s’amuse et oublie maintenant.

Environ quarante minutes plus tard, ils atteignent enfin les vigiles. Ces derniers les détaillent longuement, et l’un d’eux semble reconnaître Johannes étant donné qu’il les laisse entrer sans difficulté. Une fois dans la discothèque, Annekee halète et ses yeux s’écarquillent. Ce n’est pas du tout ce à quoi elle s’attendait ; la boîte de nuit la plus huppée de Amsterdam n’est qu’un entrepôt géant entouré de balcons. Au milieu du rez-de-chaussée se trouve une piste de danse plus grande encore que la villa de Sigrid. Des centaines de personnes se mouvent en rythme sur la musique choisie par le disc jockey.

— Viens, Johannes déclare en attrapant sa main.

Il entraîne ensuite Annekee vers un des escaliers en colimaçon qui mène à chacun des différents balcons. Elle se sent un peu mal à l’aise à l’idée de lui tenir la main, mais elle ne va pas se plaindre ; être dans cette boîte de nuit bondée et écouter cette musique assourdissante garde son esprit loin de Sigrid et de Leen. En remarquant que Annekee se fait souvent bousculer et paraît avoir beaucoup de mal à se frayer un chemin parmi la foule, Johannes la plaque contre lui et passe un bras autour de la taille. Annekee ne trébuche plus lorsqu’ils parviennent près du carré VIP.

— Est-ce que je pourrais avoir un verre, s’il te plaît ? Annekee murmure à son oreille, la voix légèrement tremblante, et Johannes hoche la tête.

Avec un sourire, il lui demande ensuite de ne pas bouger et lui promet de revenir le plus vite possible. Annekee s’exécute, patiente quelques minutes avant de s’ennuyer. Tout le monde autour d’elle a l’air de prendre du bon temps, sauf elle. Elle repense toujours à son père, ne se sent pas à sa place dans ce night club au milieu de tous ces gens au statut différent du sien. Ils rient, boivent, sont heureux. Johannes doit sûrement avoir trouvé une jeune femme magnifique à séduire et avoir oublié son existence. Alors ne tenant plus, Annekee décide de partir.

KETTING┃m.de ligt (✓)Where stories live. Discover now