07. danse.

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Annekee redescend vers la piste de danse principale par un autre escalier et rencontre des dizaines de couples occupés à se bécoter. Elle les ignore, cherche encore des yeux les cheveux bruns et la silhouette svelte de Johannes. Mais après plusieurs minutes à promener son regard sur la masse indistincte formée de jeunes gens excités, elle abandonne. Ses jambes lui font vraiment un mal de chien, et ses pieds brûlent à cause des hauts talons qu’elle arbore. Soudain, quelqu’un effleure doucement son bras nu.

— Excuse-moi ?

Annekee se retourne aussitôt, s’attendant à croiser les iris marrons de Johannes. Cependant, ce sont des prunelles bleu métallique qu’elle rencontre, et qui l’ébranlent. Le garçon qui vient de l’aborder possède des cheveux blonds cendrés tirés en arrière, et une robuste mâchoire avec une fossette sur le menton. Il porte une chemise blanche élégante, d’un matériau assez fin pour que les nuances de ses muscles puissent être devinées lorsqu’il bouge. Avec ses épaules larges et ses vingt centimètres de plus qu’elle, Annekee aurait pu facilement se sentir intimidée s’il ne souriait pas timidement.

— Je suis désolé de te déranger, mais mes amis m’ont mis au défi de parler à la plus jolie fille de la boîte.

En temps normal, Annekee aurait pensé que c’était une horrible phrase toute faite, mais l’inconnu paraît assez sympathique. Elle se penche légèrement sur le côté pour remarquer un groupe de cinq gars—probablement ses amis—rire et sourire en les observant un peu plus loin. Bien sûr, ils sont en train de boire de l’alcool ; tout est plus drôle avec quelques grammes dans le sang. Apparemment, ils ne pensaient pas qu’il oserait aborder quelqu’un. Ce qui semble plutôt étrange, parce que Annekee trouve leur ami vraiment attirant.

— D’accord, tu as mon attention, maintenant quoi ? Annekee arque les sourcils, un peu brusque.

L’inconnu hausse les épaules, clairement pas habitué à ce genre de situation. Annekee se radoucit alors, surtout en constant qu’il a même l’air plutôt surpris qu’elle ne l’ait pas rabroué tout de suite. Visiblement, il s’attendait à ce que les choses se passent mal. Comme pour l’aider à prouver à ses amis elle-ne-savait quoi—et parce qu’il est très mignon—elle laisse un moment tomber son expression crispée et sa méfiance. De toute façon, Johannes ne reviendra pas.

— Tu veux danser ? Annekee propose, et le garçon hoche la tête avant de la suivre au centre de la piste.

Ils commencent à danser ensemble, et Annekee perd complètement la notion du temps. Le jeune homme se balance en rythme derrière elle, assez près pour la toucher, mais pas trop près pour ne pas la brusquer. Après quelques minutes, ses grandes mains se posent sur ses hanches et Annekee se sent se rapprocher de lui. Elle est totalement détendue, alors elle se laisse même retomber sur son torse. Le garçon éclate de rire, puis il presse ses doigts contre sa peau. C’est exactement ce dont elle rêve ; passer un bon moment sans penser au nettoyage à sec, ni à ses cours, ni au dîner, ni à—

Leen.

Leen se trouve actuellement à l’Escape, souriante et plus que magnifique dans une jupe courte et un haut moulant. Annekee remarque qu’elle discute avec le groupe de gars auquel son inconnu appartient. Sa grande sœur rit en tenant un cocktail dans les mains, plutôt à l’aise et le regard charmeur. Leen est à l’aise et charme tout le monde. Annekee est tellement concentrée sur elle qu’elle n’entend pas le jeune homme à côté d’elle parler à son oreille. Il semble l’appeler depuis un petit moment déjà, mais la vision de sa sœur l’a totalement perturbée.

— Allô la Lune, ici la Terre, le garçon rit, amusé. Comment tu t’appelles ?

— Je dois partir, Annekee glapit, paniquée.

Il est hors de question que Leen la voit dans cette boîte de nuit. Elle rentrerait immédiatement chez elle et le dirait à Sigrid. Et Annekee n’est déjà pas dans les bonnes grâces de sa mère, alors si cette dernière découvrait, il était impossible qu’elle soit autorisée à sortir de nouveau, même pour faire les courses.

— Quoi ? Le jeune homme fronce les sourcils, perdu, puis il se mord les lèvres. Est-ce que j’ai fait quelque chose de—

— Je dois y aller.

Sans chercher Johannes ou répondre au garçon, Annekee se dirige comme une furie vers la sortie. Donnant plusieurs coups de coude aux gens qui l’entourent, elle se fraye un chemin et disparaît en quelques minutes.

— Attends ! Une voix hurle alors qu’elle s’extirpe de la boîte de nuit. Attends, comment tu t’appelles ?

Annekee plisse les paupières en sentant une main familière attraper son bras. En se retournant, elle se décrispe en reconnaissant le jeune homme avec lequel elle vient de danser.

— Dis-moi juste ton nom, halète-t-il.

Maintenant qu’ils sont vraiment éclairés, même si ce sont juste des réverbères, Annekee peut constater qu’il est encore plus beau. Son nez est droit et fier ; ses cheveux blonds sont enduits de cire, mais ils ne semblent pas non plus rigides ; ses yeux perçants se concentrent uniquement sur elle. Si Annekee l’avait rencontré dans un café, ou où que ce soit, elle ne l’aurait jamais laissé filer sans lui avoir demandé son numéro. Mais elle doit vraiment partir à présent.

— Annekee, répond-t-elle, pressée.

— Annekee. Le jeune homme répète avec un sourire. Je m’appelle Matthijs—

— Je dois partir, je suis désolée, Annekee le coupe en se tournant vers la rue.

Elle aurait aimé passer plus de temps avec lui, mais c’est impossible. Fort heureusement, des dizaines de taxis circulent dans les environs. Annekee jette un dernier regard à Matthijs—elle doit à tout prix se souvenir de son prénom—puis elle s’engouffre dans un véhicule. Les pieds en lambeaux, la respiration hachée et le cœur en vrac, elle murmure le nom du restaurant de Ernestina avant de se laisser retomber sur le siège.

Annekee sèche ensuite ses mains moites sur la robe, et songe qu’elle doit la nettoyer avant de la rendre à Magda. Puis elle soulève ses cheveux blonds en un chignon, et passe ses mains sur son visage et ses épaules. Quelque chose cloche. Ses doigts auraient dû toucher une chaîne en or. Pendant dix-huit ans, un collier avec un pendentif en croix appartenant à son père a orné son cou.

Maintenant, il n’est plus là.

KETTING┃m.de ligt (✓)Where stories live. Discover now