Chapitre Quarante-Trois - « Nous »

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Aali les fusilla du regard, les poings serrés.

— Tu t'es crue maligne ? demanda t-il, même si cela sonnait plus comme un reproche. Et comment est-ce que vous comptiez rentrer, peut-être ? enchaîna t-il, à dos de pégase ?

— Euh, en utilisant les téléporteurs ? répondit Léane, ne comprenant pas cette dernière question.

— Nan mais, n'importe quoi ! T'es pas censée être intelligente ? Les rêves transférés sur Terre n'existent plus dans l'autre monde ! Réfléchis, un peu !

Léane reçut cette affirmation comme un coup de marteau sur sa tête. Évidemment ! Quelle idiote ! Il n'y avait aucun moyen pour retourner dans l'autre monde à part grâce à la magie, et ses téléporteurs étaient entièrement technologiques. Elle voulut s'excuser, lorsqu'elle remarqua qu'Aali était soudainement devenu pâle. Elle l'interrogea du regard. Pour seule réponse, il lui prit la main. Déstabilisée, Léane ne sentit pas tout de suite la sensation nouvelle qui la prenait au cerveau. Cependant, lorsqu'elle compris les voix qui parlaient grec autour d'elle, elle sentit une vague de joie la traverser. Elle comprenait le grec !

— Tais-toi, vide tes pensées, et écoute, lui ordonna Aali.

— Plus facile à dire qu'à faire.

Ils avaient dû parler une autre langue, car Narcée les regarda avec un air surpris.

— Donc c'est directement chez lui, pas là où on était hier ? Et c'est ce soir ? Et entre mecs ?

C'était leur voisin de table qui parlait avec deux de ses amis. Léane porta toute son attention sur eux.

— Ouaip'. Il nous a bien eu. Je me demandais pourquoi il n'était pas à sa propre fête.

— Il habite où, déjà ? À côté du proprio' de Jumbo ?

— Ouaip'.

Aali la lâcha. Elle sauta presque de joie, un sourire aux lèvres. Voilà à quoi avait servi ce pressentiment ! Elle en était sûre !

— Merci, merci, merci, dit-elle en riant presque. T'es génial. Et c'est probablement la première et dernière fois que je le dis.

— Je n'arrive pas à croire que tu aies eu raison.

Narcée les interrompit et leur demanda ce qu'il se passait. Léane lui expliqua rapidement. Puis, dès qu'Iris revint, elle lui expliqua aussi, et elle sortit son téléporteur de sa poche. Elle entra les coordonnées d'un endroit.

— Allez ! Direction l'internat.

— Hé ! Je peux vous y emmener ! protesta Aali.

— Tu peux aussi y aller seul.

Devant lui, les trois jeunes disparurent. Il se téléporta directement après, et ils se retrouvèrent tous dans la chambre d'Iris et Léane. Là, le premier geste de la Chercheuse fut de fermer sa commode à toute vitesse, qui était ouverte sur le tiroir des sous-vêtements. Elle n'était pas spécialement pudique, mais elle n'avait pas envie que deux garçons, en particulier Narcée, voient ses goûts en matière de sous-vêtements.

Trop tard.

— Tu portes des boxers ? s'esclaffa t-il à voix haute, portant l'attention de tout le monde sur elle.

Léane tourna la tête et rougit.

— Euh, oui. Mais c'est pas tes affaires !

— Pas encore.

Léane se retourna, bouillante de colère à l'intérieur. Oui, elle portait des sous-vêtements masculins. Cependant, ses amis n'avaient pas à s'en soucier : cette affaire la concernait, elle et elle seule. Et puis, les boxers de sport était plus confortables que certains autres sous-vêtements ! Elle avait le choix de porter ce qu'elle voulait, mais la société risquait de trouver cela un peu étrange.

— Bref, dit-elle. Iris, prend tout ce que tu veux avoir avec toi, et on va dans la chambre de Narcée après ça. Aali, tu pourrais nous y téléporter ?

Le concerné eut un air hautain.

— Donc, d'un pays à l'autre, je ne peux pas, mais d'une chambre à une autre, si ?

— C'est une question de discrétion, patate. Il y a des caméras dans les couloirs et, si quelqu'un nous reconnait, on est dans la mouise.

Iris termina d'empaqueter ses affaires dans ses deux grandes valises noires quelques minutes après que Léane eut fini de mettre ses habits et son ordinateur dans un sac de voyage brun de taille moyenne.

— C'est tout ce que t'as ? loucha Iris.

Léane haussa les épaules, et poussa Aali à les transporter dans la chambre. Là, Narcée rassembla ses vêtements, et le fils de Morphée les ramena aux jardins. Son père les y attendait, prêt à les sermonner. Ses yeux brillaient de la lueur bleue à nouveau, comme s'il voulait paraître plus menaçant — cependant, vêtu comme il l'était, il était difficile de le prendre au sérieux. Un sarouel orange et doré couvrait ses jambes, et il portait un veston brun, sans rien en dessous. On aurait dit un homme tout droit tiré des contes de fées.

Léane fuit son regard et se dirigea dans sa chambre après avoir fait signe aux autres de faire de même. Morphée stoppa leur action en faisant disparaitre les portes qui menaient à leurs chambres. Sans le regarder, et juste pour le provoquer, Léane refit apparaître la sienne... mais sa porte possédait à présent son propre style : une porte en bois stylisée, courue de figures géométriques vert pâle et d'arabesques un peu plus foncées. Sans s'arrêter de marcher, elle tendit la main vers la poignée. Puis, après avoir ouvert la porte, elle changea toute la structure de la chambre en celle qu'elle désirait. Ainsi, les angles et les murs droits devinrent des courbes, le marbre se changea en bois, son lit couvert de draps blancs se transforma en lit-mezzanine aux draps crème et vert pâle. De nouveaux objets s'y ajoutèrent, dont une lampe au plafond, une commode directement fixée aux murs, et des poufs dorés, bruns et verts de part et d'autre de la chambre. Pour terminer, elle fit réapparaitre les portes de ses amis. Une fois entrée, elle se tourna pour faire face à Morphée, Aali, Iris et Narcée, tous médusés.

— Tu voulais nous dire quelque chose, affirma t-elle.

Le dieu des songes reprit son souffle, et contenance.

— Vous n'auriez pas dû vous rendre sur Terre.

— Et pourtant, nous avons trouvé quelque chose.

« Nous ».

Elle ne parlait donc pas seulement pour elle seule, et Aali le remarqua. Elle soupira.

— Morphée, je suis désolée, mais il fallait que je le fasse. Et je le referai s'il le faut. Je peux créer autant de téléporteurs que possible, chacun différent les uns des autres.

— Petite, répliqua t-il sur le même ton, le problème n'est pas que tu sais parfaitement te servir de ton imagination, mais plutôt le fait que tu m'aies désobéi après un seul refus.

Léane admit qu'elle avait peut-être exagéré, mais ne l'avoua pas à voix haute. Toutefois, elle ne voyait pas d'autre façon de convaincre Morphée que de le confronter : il ne risquerait pas d'écouter l'intuition d'une adolescente de dix-sept ans, et il lui avait clairement fait comprendre.

— Ce n'est pas exactement vrai... fit la dernière personne à laquelle Léane se serait attendue.

LE PHŒNIXOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz