Chapitre Vingt-quatre - La Foi

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— Gaïa est l'ennemi ? demanda Iris.

— Impossible, refusa Léane. L'article que j'ai lu l'autre jour, il disait que... 

Elle s'interrompit. 

— Attendez. Il ne disait rien de concret sur Gaïa. Morphée, des explications. Maintenant.

— Tout doux, petite. J'ai des tonnes de choses à dire mais, comme je l'ai proposé, il vaut mieux que vous me posiez des questions. Sinon, vous risquez d'être perdus.

Narcée recréa sa flamme.

— D'accord, dit-il. Alors déjà, c'est qui Gaïa et ensuite, qu'est-ce qu'elle fait pour être méchante ?

— La déesse de la Terre, répondit Morphée, et la première fille du Phœnix. Les Terriens n'ont jamais cru en l'existence du Phœnix, par contre.

Le dieu des songes expliqua que les grecs avaient une connaissance très vaste des dieux, mais qu'il manquait beaucoup de choses dans leur mythologie. Par exemple, ils croyaient que tout était né du Chaos, la première entité, alors qu'en réalité, le Phœnix était né en même temps que lui et représentait l'Ordre. Le Phœnix avait eu deux uniques filles, la Terre et la Flamme. La Terre, la plus fertile, eut à son tour des dizaines d'enfants, mais la Flamme était adorée de tous, même si elle n'eut aucun descendant, car elle était subtile, amusante et diplomate. Jalouse du succès de sa sœur, Gaïa l'avait enlevée au monde et remplacée par des flammes capables de faire du mal aux dieux comme aux mortels. La Flamme, Niké, fut oubliée de tous les mortels et reniée des dieux, qui se croyaient trahis.

Non mécontente de ce changement, Gaïa dominait tout le monde. Le Phœnix, son père, pensait qu'elle avait enfin trouvé un moyen de cohabiter avec Niké. Cependant, si Gaïa avait réussi à se faire adorer, quelques dieux mineurs se rappelaient encore de la Flamme. Pour empêcher les rumeurs de se propager, Gaïa créa un être, Ouranos — le Ciel —, qui l'aiderait à soumettre les « rebelles » à sa volonté. Prise de paranoïa, la Terre se mit à soumettre l'esprit de tous les dieux. Toutefois, les douze dieux du Panthéon, étant les plus puissants, avaient beaucoup de mal à lui obéir.

Gaïa les tua.

Ce fut à ce moment que le Phœnix se rendit compte de la bêtise de sa fille aînée. Il tenta de l'empêcher de continuer, mais arriva trop tard au moment fatidique : la Terre avait tué la Flamme.

— Shit, jura Iris. Et c'est vraiment arrivé ? C'est pas une légende ?

— Mais comment est-ce que c'est possible que vous soyez pas soumis à sa volonté, vous non plus ? ajouta Narcée.

— J'y venais, affirma Morphée. Voyez-vous, Gaïa a découvert qu'elle ne pouvait pas corrompre l'esprit des mortels — du moins, pas directement. Et en tant que dieu des songes, je dépends totalement de l'imagination, de l'esprit, des hommes. Grâce à cela, j'ai échappé à Gaïa. Le Phœnix, mon arrière grand oncle, m'a contacté. Il m'a chargé de créer ce monde et m'a prévenu de l'arrivée des réincarnations des douze dieux principaux car ; personne dans le monde divin ne meurt vraiment, sauf s'il est tué par le Chaos, le Phœnix, ou un de leurs enfants.

— Mais, quand est-ce que tout ça s'est passé ? s'exclama Léane.

— Oh, un peu avant que les grecs cessent de croire en leurs dieux. Il y a près de mille sept cent ans, il me semble.

Léane en perdit sa voix. Morphée les avait attendu pendant dix-sept siècles ?

— C-comment... balbutia t-elle, je, euh, tu, n'as pas bougé, depuis tout ce temps ?

— Petite, lorsqu'on prête allégeance au Phœnix, on ne peut pas revenir sur sa parole. Ce n'est pas une question de le trahir, mais plutôt un sentiment de profonde confiance.

— La foi, comprit Iris. Vous avez gardé votre foi pendant tout ce temps.

— Incroyable, souffla la Chercheuse. Mais... tu es immortel, et tout change autour de toi. J'arrive pas à comprendre comment tu ne te lasses pas.

— T'as pas compris ? s'étonna Narcée. Écoute, la foi, c'est quelque chose de puissant. Je sais ce que ça veut dire, parce que mes parents sont chrétiens jusqu'au bout des orteils. J'ai grandi avec Dieu, et même si on se remet souvent en question dans nos vies, on trouve la plupart du temps des réponses. Je ne crois plus en Dieu, mais si ma religion m'a appris quelque chose, c'est que croire en quelque chose très fort, c'est souvent assez pour trouver l'énergie d'avancer. Regarde Morphée : il a confiance, et il respire cette confiance à chaque pas qu'il fait. Et il avait raison ! Te voilà, avec deux Descendants.

— Maintenant, approuva Morphée, je sais que je peux croire le Phœnix, et vous transmettre ce qu'il m'a donné.

Dubitative, Léane constata que Narcée avait rarement parlé aussi sérieusement. Peut-être devrait-elle écouter plus souvent le jeune homme...

LE PHŒNIXWhere stories live. Discover now