LE PHŒNIX

Chapitre Quinze - Pervers Des Enfers

Zoé partit avec Narcée rejoindre les autres et Léane insista pour qu'on la laisse ici, seule. Elle reporta ensuite son regard sur le garçon qui n'avait pas bougé. Il était banal : teeshirt, jean, baskets... rien dans son apparence n'aurait pu lui faire penser à un intrus. Elle l'invita alors à s'asseoir près de lui, et sortit un carnet et un stylo à bille de sa poche.

— Qui es-tu ? commença t-elle en écrivant sur une page.

— Une illusion.

Surprise par une voix si grave, Léane releva la tête et arrêta d'écrire. Le garçon avait changé d'apparence. Il ne portait plus d'habits modernes mais une toge façon Grèce antique. Ses cheveux avaient changé de teinte et étaient devenus bleus comme la nuit. Il n'avait plus l'air d'avoir dix huit, dix neuf ans comme les autres mais une trentaine d'années. Il s'assit près de lui. Léane recommença à écrire.

— D'où viens-tu, alors ? De l'imagination des hommes, peut-être ?

— On pourrait dire ça comme ça.

— Pourquoi est-ce que Narcée ne te vois pas ?

— Le descendant d'Hadès... parce que tu ne lui as pas rendu ses pouvoirs.

— Qu'est-ce que ça veut dire ?

— Demain, quand tu auras transformé le descendant du seigneur des mers, retrouvez-moi ici. Je vous attendrai, naturellement.

Il disparut.

Consternée, Léane continua à griffonner. Elle n'avait pas réellement écrit, mais avait fait semblant de lire ce qu'elle écrivait pour ne pas qu'on la prenne trop pour une folle. Une petite minute plus tard, elle prit une inspiration, se leva, et rejoignit le grand groupe d'adolescents. Personne ne la remarqua vraiment, seul Narcée lui fit un sourire, comme pour la remercier d'être venue.

Et Léane comprit.

Il ne voulait pas la sociabiliser, comme s'il comprenait que ce n'était pas son fort, mais il l'avait amenée pour qu'elle se rapproche un peu plus du monde extérieur. Il voulait vraiment l'aider dans sa drôle de quête.

Ils repartirent vers dix huit heures, puisque l'internat allait bientôt fermer ses portes. Ils se dirent au revoir — enfin, surtout Léane et Narcée, qui avaient un plan en tête. Zoé fit un clin d'œil absolument discret au jeune homme, qui leva les yeux aux ciel. Non, il n'allait pas à la conquête d'une fille. Enfin... pas celle-ci, et dans un autre sens.

Narcée, à l'heure du repas, se mit en recherche de quelqu'un. Il regarda partout autour de lui mais n'aperçut pas la jeune fille qu'il cherchait. Elle était bien châtaine, non ? Vu le nombre de têtes brunes et blondes par ici, elle risquait d'être assez difficile à trouver. Il soupira et s'assit, croisant le regard neutre de Léane — trois tables plus loin, à gauche. Comment cette fille faisait pour toujours garder ses esprits ?

— Excuse-moi, on peut s'asseoir là ?

Le jeune homme se retourna. Une adolescente, sûrement de seconde, venait de lui parler. Elle était avec un groupe d'amies... une blonde, une rousse et une châtaine. Châtaine !

— Iris ?

— Mm ? répondit la blonde.

Ah. Blonde.

Il en avait presque oublié son visage... mais de toute façon, ils ne se voyaient pas souvent et ne s'étaient presque jamais parlé avant.

— Euh... ça va te paraître bizarre, mais tu veux bien qu'on parle une minute ? lui demanda t-il.

— Parler de quoi ? s'étonna la jeune femme en se levant.

— Juste comme ça.

Ils s'éloignèrent un peu et Léane se leva plus loin. Narcée se passa la main dans les cheveux : il lui faisait signe d'attendre. La Chercheuse avait tout prévu, cela lui avait presque fait peur. Elle s'immobilisa.

— Alors ? s'impatienta Iris.

— J'ai quelque chose à te montrer.

— Ah ? Pourquoi à moi ?

— Juste comme ça, répéta t-il.

— Quelque chose me dit que ce n'est pas « juste comme ça », non. Qu'est-ce que tu me veux ? Tu commences à me faire peur.

Voilà qu'elle le prenait pour un pervers.

Bravo, Narcée.