Les meufs sont difficiles.

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Je joue avec les pédales de ma voiture, le regard rivé sur les bagnoles qui défilent à une vitesse assez élevée sur la route dans laquelle je veux m'engager. Je démarre finalement en trombe, en ayant marre d'attendre, coupant presque la face d'un mec en Fiat 500. Je ne prends pas la peine de faire un geste de main dans le rétroviseur intérieur mais regarde plutôt dans celui de gauche, vérifiant si la voie est dégagée. Je m'y engage furtivement, mon pied poussant un peu plus la pédale de l'accélérateur. J'aime trop conduire. Je sais pas comment j'aurai fait sans permis, sans voiture, sans rien. C'est vraiment toute la vie et la liberté. Lorsque je dépasse toute la file de droite, je décide d'ouvrir les deux premières fenêtres, profitant de l'air frais qui pourrait décoiffer les cheveux des meufs. Une main sur le volant, j'admire le paysage qui s'offre à moi, ce paysage qui est le même chaque soir. Je tire le pare-soleil.

J'arrive chez moi légèrement en retard à cause de l'agglomération du lundi soir. Quand je vous dis que c'est la pire des journées. J'ouvre le portail tandis qu'une voix m'appelle depuis la terrasse : ma mère. Elle a attaché ses longs cheveux noirs en un chignon décoiffé et porte une robe cache-cœur rouge à pois. Une Winston au bec, elle bouge ses doigts en ma direction pour me saluer de loin. Gabriella est assise sur un espèce de pouf à côté, ses lunettes de soleil en œil de chat sur le bout de son nez, elle bouquine un magazine de mode avec des mecs en caleçon dessus. Je rappelle qu'elle a 15 ans mais tranquille.

— Tu fais chier, t'avais pas dit ce matin que tu ramenais un Mcdo ? râle cette dernière, levant sa tête en ma direction.
— Je t'entends, tu sais. Et non, va te le chercher toi-même.

Et puis quoi encore ? 

Je me retiens de l'insulter mais elle, elle le fait sans gêne. Je ne vais pas m'abaisser à son niveau de gamine. Adriana lui jette un regard noir — ma mère hait quand on se parle ainsi — tandis que je continue mon chemin, pressant la poignée de la porte d'entrée. Qu'est ce qu'elle me fait chier celle-là. J'aurai aimé être fils unique.

Alors que j'enlève mes Air Max, j'entends un homme gueuler depuis le salon. Bref, ça c'est mon père qui regarde le foot. Je laisse tomber mon sac puis m'avance vers ce dernier qui se tient assis sur le grand canapé noir, les mains croisées et son menton dessus. Il a l'air vachement concentré. Je jette un regard pour voir qui joue. Paris Marseille. Je me jette sans plus attendre dans le canapé tandis que mon père claque ma cuisse, m'ayant enfin remarqué. Plus fort, il ne pouvait pas quoi.

— Salut fiston.
— Salut, papa. Tranquille ?
Tranquillo, me répond-t-il en italien.

Fiorenzo est le seul à avoir capté que de me parler complètement italien ne servait à rien, je comprends un peu mais et ça s'arrête à ça.

Je finis par croiser mes bras derrière ma nuque et me cale au mieux contre le dossier du canapé. C'est rare que je sois assis au salon avec mon père. C'est un exploit même je dirais, vu qu'il est quasiment jamais là et qu'il rate tous les matchs. Toujours je matte solo. Je regarde distraitement ce qui se passe à l'écran, souriant à chaque exclamation de mon père. Cependant, j'arrive pas vraiment à me concentrer sur le jeu. Je ne sais pas qui marque un but et ma réaction est nulle tandis que Fiorenzo, lui, s'est carrément levé pour applaudir devant l'écran, se décapsulant une bière par la suite. Il m'en propose une et j'accepte. 

— Alors... Comment ça va à l'école ? fait-il en me lançant un regard, détachant enfin ses yeux de la télé tout en chopant une poignée de pépites qu'il décortique entre ses dents.

Suite à sa question, je réponds d'un soupir et il enchaîne bien vite sur une autre question qui ne me tient pas non plus à cœur. Après ma gorgée, je laisse planer un petit silence.

LÉO y MAËLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant