Un tour en A5.

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Un léger coucher de soleil surplombe l'horizon de la ville. Il doit être dans les 17:30 quand j'arrive devant mon Audi qui est garée juste à côté du lycée, au parking destiné aux étudiants ainsi qu'aux professeurs. Je vois clairement Clarisse émerveillée quand elle remarque ma voiture. Une belle A5 noire. Je tiens énormément à ce bijou, étant donné qu'elle m'a été offerte par mon père le jour où j'ai obtenu mon permis. Un sacré sacrifice que je ne suis pas prêt d'oublier, mon père c'est le sang.

En me voyant avec ma meuf, Kévin et Romain me font signe de la main et se dirigent vers les arrêts de bus. On se verra demain, façon.

— Léo, waa ! Tu m'amènes faire un tour, j'espère ? s'excite-t-elle tout en passant sa main dans ses beaux cheveux blonds.

Ai-je donc le choix ? Non. De toute façon, je ne peux résister vu la tête qu'elle tire, j'vais pas l'abandonner là, solo sur le parking. La honte pour elle.

À l'aide de la clé, j'allume ma bagnole avant de venir lui ouvrir la porte tel un gentleman. Qu'elle profite, c'est pas souvent. La blonde me remercie doucement et elle s'y installe calmement, comme si elle ne voulait rien casser. Bon, elle a intérêt de toute façon. Sinon c'est moi qui la casse. Ce bien est trop précieux pour être sali par n'importe qui.

Après quelques secondes, je la rejoins dans l'habitacle, côté conducteur. J'me crame une clope, démarre le moteur et ouvre les fenêtres pour que la fumée provoquée par ma Marlboro s'échappe dans la pollution extérieure.

— C'est bon, t'es prête ? J'te ramène chez toi.
— Prête, toujours !

Un sourire dragueur collé aux lèvres, elle vient l'effacer en se penchant vers moi. Clarisse m'embrasse comme elle sait si bien le faire et je lui rends son étreinte, collant ma bouche un peu plus à la sienne.

Notre action dure un petit moment et après ça, j'viens monter le son de la bagnole. Un son d'Oboy résonne des caissons, je passe la première et appuie sur l'accélérateur. Je sens le regard des lycéens sur ma voiture, Clarisse faisant exprès de les narguer en rejetant ses cheveux en arrière, des lunettes de soleil de la marque Gucci devant ses yeux clairs. Elle est trop belle cette nana, quand même. Personne ne peut dire l'inverse. Et puis j'sais qu'elle est heureuse d'être avec moi en cet instant, elles le sont toutes mit à part au moment où je les larguent... Hé ouais. Toutes les bonnes choses ont une fin sauf qu'elle ne le sait pas encore. C'est bien connu ça.

Je vois ma blonde faire un Snap tandis que je slalome entre des voitures garées. Sauf qu'à un moment, je freine plutôt brusquement lorsqu'une moto passe devant moi sans même regarder, d'une vitesse plutôt rapide. Ta race, connard !

Clarisse émet un hoquet et fait un mouvement brusque vers l'avant. C'est encore le gars de ce matin avec sa Ducati. Il ne sait pas regarder ce débile ? T'as l'as eu où ton permis, fréro ? Je reconnais de suite le pantalon militaire et dans ma tête tout s'assemble.

— Mon dieu ! Mais ça va pas, il est taré !
— C'est un baisé, lui.

Ouais et c'est moi qui parle. Moi qui fait le fou. Sauf que personnellement, j'fais un minimum attention car j'ai vraiment une flemme monumentale de renverser quelqu'un. La prison, vaut mieux pas. Par contre lui, il en a vraiment rien à foutre. Je glisse le volant vers la gauche et finit par le suivre, me dirigeant vers le passage de sortie. Un sourire se dessine sur mes lèvres lorsque je le vois prendre la même direction que moi. Intéressant, ça.

Je suis un gamin au volant.

La route se sépare en deux voies. Je m'apprête à le dépasser par la droite — c'est quoi le code de la route ? — sauf que ce con accélère quand je me rapproche trop de sa moto. Je râle en ramenant ma clope à ma bouche. Il me cherche, je le sais.

Un feu rouge nous force à nous arrêter, ce que je fais non pas brusquement. Dommage. Clarisse n'a même pas attaché sa ceinture ce que je lui ordonne, elle va vraiment finir sur le pare-brise celle là.

— J'te conseille, on a connu meilleur pilote que moi.

Quelle plaie, putain.

En attendant que le feu change de couleur, je jette un regard par la fenêtre et voit le motard regarder droit devant. Qu'il m'ignore, oui. La visière teinté, il m'ignore mais royalement. Même quand je ne vois pas sa gueule, ce mec m'insupporte. Avec sa dégaine. Je ne sais même pas pourquoi mais parfois, il n'y a pas besoin de raison pour ne pas aimer quelqu'un. Preuve.

— J'peux mettre PNL, mon amour ? propose Clarisse qui me fait revenir sur Terre.

Jamais refuser de mettre les deux frères à une nana. J'accepte dans un signe de tête, sans avoir le choix. Elle lance un morceau du groupe via Spotify. Je soupire en espérant qu'elle ne m'entende pas. J'aime pas trop ces chansons mais bon, faut bien se plier pour elles, les filles. Je les comprendrais jamais.

J'accélère enfin au vert mais la Ducati est plus rapide que moi. J'entends Clarisse rigoler face à mon départ précipité. Je lâche les chevaux.

Je finis par jeter mon mégot par la fenêtre avant de la refermer tandis que mon compteur dépasse large les 50 autorisés. Puis les 70. La barre des 90. Je souris lorsque je vois le motard se calmer sur la vitesse et me permet de le dépasser tranquillement. J'suis un gamin. Il vient par la suite s'abattre sur ma voie car la sienne prend fin et je le regarde dans le rétroviseur gauche.

— T'habites vers où toi déjà ? je dis à Clarisse qui remet du gloss, se regardant dans le miroir du pare-soleil.
— Oh euh... Continues, je te dirai où tourner.

D'accord, d'accord.

Et c'est ainsi qu'on roule encore quelques petites minutes, finissant par tourner à droite à un rond point, la Ducati prenant une toute autre direction.

—  C'est l'immeuble ici, déposes moi à l'entrée plus loin là-bas, j'ai pas envie que mon père me voit.

Ah ouais ?

Je souris légèrement en coin en mettant le clignotant pour m'arrêter le long du trottoir, sur une piste cyclable. Je la reluque tandis qu'elle rassemble son sac ainsi que sa veste qu'elle a enlevé le temps du trajet. Tous les gestes qu'elle produit crée un courant de parfum, une odeur qui se dirige droit dans mes narines. Ça me picote un peu, c'est fort son Yves Saint Machin.

— Il est du type sévère, ton daron ?
— Ouais, soupire Clarisse. Il me saoule vraiment des fois. En tout cas merci de m'avoir ramenée. My love.

Je dis rien sur ce surnom mais j'en ai des frissons, de gêne. Comme si j'avais le choix... Je me force de lui sourire, j'ai fait que ça aujourd'hui en traînant avec elle. Sourire, sourire, sourire. C'est fatiguant, faut pas croire.

Clarisse m'embrasse si rapidement que je n'ai pas eu le temps de sentir ses lèvres sur les miennes. Elle m'adresse un petit « à demain » et descend de l'Audi, réajustant sa mini-jupe au passage. Je me mords discrètement la lèvre en la regardant, ses cuisses fines et ses jambes élancées, elle est parfaite. Un corps de dingo fou malade.

Je la regarde taper le code de l'entrée afin de rentrer dans son immeuble, la fille m'adressant un dernier signe de la main. Puis je reprends la route pour aller chez moi mais avant, je m'arrête à un tabac pour m'acheter un paquet de clopes.

Le vendeur est habitué à me voir donc c'est tranquille, même s'il ne peut jamais s'empêcher de me faire quelques remarques. Donne moi les clopes et tais toi. J'te paye maintenant. Je jette un coup d'œil rapide à mon tel en sortant et voit que Clarisse m'a déjà envoyé 6 messages d'amour. Ah, les meufs. Si elle continue comme ça, elle va me faire tenir qu'une semaine comme je l'avais dit.

La flamme de mon briquet enflamme le bout de ma cigarette et ma tête se penche vers l'arrière, mes yeux se perdant sur le paysage animé qui se tient en face de moi. La buée que j'ai inhalé s'évapore dans l'air de la ville et mes pensées vagabondent, se perdent sur toutes ces petites choses de ma vie. J'crois qu'il est temps de rentrer.

LÉO y MAËLWhere stories live. Discover now