LÉO y MAËL

On a tous besoin de quelqu'un.

Je déglutis en m'apercevant de la scène qui se déroule sans pitié, devant mes yeux. Cette soirée n'est qu'une série lancée en continu saupoudrée d'émotions qui me submergent et me noient sans le moindre remord.

Kévin pourrait crever dans ses larmes, elles coulent telle une cascade sur le long de ses joues complètement rougies et je me demande sincèrement comment il a fait pour venir jusqu'ici, la vue brouillée ? Je scrute l'horizon, voyant un Uber stationné devant le portail caché par les haies entourant le jardin, le conducteur démarrant calmement après être resté sur place quelques minutes.

— Kev'... Mais il t'arrive quoi, mon pote...

Je lance ça sans même savoir comment réagir, j'ai peur de faire n'importe quoi. En fait, je laisse juste mes bras s'élancer autour de son corps par automatisme, son corps si faibli et totalement frêle. Ce con a perdu du poids et ça m'attriste terriblement, c'est comme me prendre quelque chose en pleine figure lorsque je l'entoure près de moi. La réalité me fait du mal, et peur. Dans le noir, la porte d'entrée toujours ouverte, elle laisse circuler l'air frais de la nuit qui m'absorbe et fait frisonner mes bras nus et dévêtus, ne portant qu'un simple t-shirt et un jogging vieilli en guise de pyjama.

Mon ami pleut sur mon épaule et dans mon cou, mes doigts ne pouvant s'empêcher de se loger entre les mèches de ses cheveux marrons. Mon ventre se tord de douleur et on reste ainsi, comme deux cons, deux êtres sans défense, garde baissée, le son de ses pleurs bouleversant complètement ma soirée.

— Putain... Réponds-moi, mec...

Derrière moi, je sens sa présence. La présence de Maël. Il est là. Je peux m'imaginer ce dernier dans les escaliers, la mort dans l'âme. Je sais qu'il veut fuir. Il ne doit pas comprendre ce qui est en train d'arriver, ni se sentir à l'aise. Déception et incompréhension, ce sont les mots qui taraudent nos esprits à l'heure actuelle. Une scène que je ne m'attendais pas à vivre de si tôt, et surtout pas après ce moment grave intime qu'on vient de partager, lui et moi. Je suis encore un peu sonné par ses ondes et par ce qu'on vient de faire. Le fait d'avoir Kévin dans mes bras, complètement débordé et soumis à ses sentiments sombres et angoissants, je ne sais plus vraiment ce que je dois ressentir.

— Je... Viens, on va s'installer Kev'... je peine à dire tandis qu'il coince d'autant plus son visage dans mon cou.

Pour rappel, cou précédemment mordu et captif sous les dents acérées de mon Maël. Si la lumière n'était pas de notre côté, le monde en serait choqué. J'vais devoir cacher le carnage avant qu'elle n'apparaisse, par contre. En me tournant vers l'intérieur de la maison, fort heureusement vide de toute ma famille, je lance un regard droit vers Maël qui se tient toujours debout, sa main droite tenant le coude de son bras gauche et je devine par cette position qu'il ne sait pas où se mettre.

Je me sens désolé. Cette situation est tout simplement irréelle.

— Tu... Tu veux de l'aide ?

Sa voix est faible mais osée. Je lui réponds tandis que je m'accroche à Kévin — c'est plutôt l'inverse en fait — et l'installe avec douceur sur le canapé du salon, perdu dans l'obscurité la plus totale. Je fais attention à ne pas me prendre les coins de la table basse au passage. Le nombre de fois où elle m'a niqué d'ailleurs, je ne les compte plus désormais.

— J'veux bien tu apportes un verre d'eau. Hé, Kévin...

Mes mains entourent son visage en coupe, je le force à lever son visage espérant croiser au moins une première fois son regard. Bordel, gars... Je devine très bien qu'il n'a pas envie de ça mais putain, ça me tue de voir mon pote encore comme ça.

Certes, on s'est éloigné. Certes, notre relation a prit un sacré coup depuis qu'il sait pour moi et Maël. Certes, je l'ai déçu, dans le sens le moins hardcore. Et certes, tout s'est brisé à cause de moi. Si rien de tout ça n'était arrivé, si je n'avais jamais croisé le chemin de Maël, si je n'étais pas tombé... Notre relation, Romain a préféré continuer son chemin à l'opposé du notre, notre groupe pourtant si fraternel a fini par tomber en ruine telle une flopée de pierres sur une pente dangereusement glissante.