Chapitre 22

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Apolline me fait asseoir sur le lit. Elle sort son téléphone pour vérifier l'heure à laquelle nous devons arriver chez Flora. Elle déclare que nous avons du temps devant nous. Je lance :

– Au fait, comme tu m'en as parlé hier, je me disais que je pourrais te prêter une jupe si tu veux ?

Son visage s'illumine.

– Ça me ferait vraiment plaisir ! C'est adorable.

Je suis heureuse que ça l'enthousiasme autant. Je lui ouvre la penderie, elle s'approche avec une hésitation polie, comme si elle voulait s'assurer que j'étais sûre de ma proposition. Puis elle ose regarder et effleurer les vêtements. Je la quitte un instant pour aller dans la salle de bain et, quand je reviens, elle se tient toute droite devant moi.

– Ça rend bien ?

Elle rayonne. Elle porte une jupe vert clair fluide, qui remonte jusqu'à sa taille et ne descend certainement pas jusqu'à ses genoux. Elle l'agite et la lumière varie infiniment sur le tissu. Je tourne autour d'elle en m'extasiant :

– Tu es superbe ! Ça te va tellement bien !

– Merci !

À son sourire espiègle je sais qu'elle se trouve belle.

– Est-ce que tu te sens plus libre ?

– Presque.

Elle cesse de jouer avec sa natte. Je m'approche d'elle et comme dans la crique dénoue ses cheveux. Ils retombent sur sa poitrine et ses épaules, je les fais couler dans son dos. La couleur de la jupe fait ressortir toute leur rousseur. Je fais tournoyer Apolline sur elle-même et elle rit. Elle lève les yeux sur moi.

– À ton tour maintenant.

Je recule un peu, surprise.

– Oh, je comptais venir comme ça. Ça m'angoisse un peu, je préfère ne pas y réfléchir.

– Justement, répond-elle en posant les mains sur mes épaules. Est-ce que tu veux que je t'aide ? Comme ça tu ne stresseras pas.

Il y a beaucoup de douceur dans son geste, et ça suffit à me rassurer. Je hoche la tête. Aussitôt son sourire s'élargit. Elle lance une musique très vive sur son téléphone. La mélodie chatoie dans la chambre. Je n'avais jamais entendu de chanson aussi joyeuse, elle semble projeter des gouttes de peinture partout dans la pièce, sur les murs et les meubles et nos mains. Je me mets à battre la pulsation du bout du pied. Apolline fouille longuement dans la penderie et en sort un haut pailleté.

– Tu avais ça dans ton armoire depuis tout ce temps et je ne l'avais jamais vu ?

Elle me le lance et je l'attrape en riant. Elle me tend un pantalon noir puis se détourne. Tandis que je m'habille, elle me parle de cette musique qu'elle a découverte récemment. Elle plaisante en disant que cette chanson lui donne envie de danser même si elle en est incapable, parce qu'elle n'a pris que des cours de danse classique. Elle se retourne quand je l'appelle avec timidité. Ses yeux s'écarquillent et aussitôt disparaissent, avalés par son sourire. Elle s'émerveille :

– Tu es parfaite !

En admirant la lumière qui se disperse sur le haut, elle me complimente jusqu'à ce que je la supplie d'arrêter. Nous éclatons toutes les deux de rire. La musique s'éteint. Je me tais alors. La chambre reprend ses couleurs habituelles. Il n'y a qu'Apolline qui reste aussi vibrante.

– On va bientôt y aller. Est-ce que tu te sens prête ?

J'appréhende autant que j'attends cette soirée. Elle le sait.

Fleuve roseWhere stories live. Discover now