Chapitre 11

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[TW crise d'angoisse]



Il pleut lourdement. Les nuages me cachent à moitié le crépuscule, le rendant encore plus morbide que d'habitude. Je cours le long de la route terreuse, le long de l'asphalte, traverse le pont en un éclair, file dans les rues étroites du village. Parfois une voiture passe en grondant, je plisse les yeux quand ses phares m'éblouissent. Je n'ai jamais couru aussi vite et mes poumons sont en feu ; mais mon père a besoin de moi. La pente qui mène au manoir me fait presque abandonner. Je m'arrête. Les mains sur mes cuisses, pliée en deux, je ne parviens plus à respirer. La pluie me trempe, mes vêtements collent à ma peau et j'ai froid. J'aperçois le manoir dépasser entre les cimes. C'est ce qui me donne l'énergie de repartir. Enfin arrivée au portail, je sonne à l'interphone sans une hésitation – je n'ai plus le temps. C'est Apolline qui répond :

– Oui ?

Je reprends bruyamment mon souffle. J'articule dès que je le peux, en devant m'y reprendre plusieurs fois tant je bégaie :

– Bonsoir, c'est Thalie.

– J'arrive tout de suite.

Elle vient très vite, elle n'a pas pris le temps d'enfiler même une veste. Elle est toute échevelée par sa course. Elle m'ouvre précipitamment le portail et j'entre. Elle me regarde, désemparée, et mes pleurs redoublent. Elle me serre contre elle.

– Thalie... Viens à la maison, tu vas m'expliquer.

Je réussis à balbutier :

– C'est urgent... C'est mon père.

– Qu'est-ce qu'il y a ? s'alarme-t-elle.

– Je suis toute seule et il fait une crise et je n'arrive pas à appeler j'ai trop peur !

Elle presse ma main dans la sienne. Très calme, elle m'assure :

– D'accord. Tout va bien se passer. Viens.

Elle m'entraîne derrière elle. Nous entrons en trombe dans le manoir. Il y a un téléphone fixe près de l'escalier, Apolline le saisit. Je tremble beaucoup et je sanglote toujours, alors elle passe un bras autour de mes épaules en composant le numéro. Elle porte le combiné à son oreille et patiente. J'entends quelqu'un descendre les escaliers, et la voix traînante de Pierre résonne :

– Tu as réveillé Adrien, tu pourrais faire attention.

En venant à notre rencontre il m'aperçoit.

– Qu'est-ce qu'il se passe ? Qu'est-ce que tu fais là, Thalie ?

Je suis incapable de lui répondre. Apolline me serre plus fort contre elle.

– Son père a un problème

– Je croyais qu'elle ne voudrait plus jamais te parler, pourquoi elle est ici ? réplique-t-il, sceptique.

Apolline lui ordonne vertement de se taire car quelqu'un a décroché. Elle explique aussitôt la situation et donne mon adresse exacte. On lui pose encore quelques questions puis elle raccroche.

– C'est bon, déclare-t-elle en souriant. Ils vont arriver chez toi dans dix minutes. Ils m'ont dit que tu avais déjà appelé et qu'ils ont envoyé quelqu'un, déjà. Tu avais tout bien fait !

Je hoche la tête sans cesser de pleurer. Dans l'espoir de me calmer elle propose :

– Je vais peut-être téléphoner à ta mère, je crois que ça serait une bonne idée.

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