Chapitre 4

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[TW crise d'angoisse]


J'ai marché aussi vite que j'ai pu sur le chemin du retour. Je me suis perdue dans les méandres du village mais j'ai réussi à retrouver mon chemin. J'ai traversé le pont en courant parce que sans Apolline à mes côtés pour me rappeler qu'elle ne me haïssait pas, le souvenir de ma crise d'angoisse était terrorisant. Je pousse la porte de la maison. Mes parents m'attendent dans le salon, ils se lèvent quand j'entre. Je suis paniquée, par habitude. Je tremble et je tords mes doigts nerveusement. Je suis au bord des larmes. Ma mère s'alarme :

– Tout s'est bien passé ?

J'acquiesce aussitôt. Pour l'instant, toutes les phrases que j'ai dites ne viennent pas envahir mon esprit, et l'idée que j'aurais pu mieux choisir mes mots ne me pourrit pas. Pour l'instant, il y a un répit dont je ne parviens pas à profiter tant l'angoisse est présente. Mon père se lève pour m'aider à m'asseoir dans un fauteuil, dont je jaillis une seconde plus tard, incapable de rester immobile. Je commence à faire les cents pas.

– Je crois que tout s'est bien passé. Tout s'est bien passé, pourquoi est-ce que j'ai si peur ? J'ai peur. Je me déteste.

Les derniers mots franchissent mes lèvres avec une facilité déconcertante. C'est routinier de me haïr sans raison valable après une interaction sociale. C'est comme si c'était nécessaire. Ma mère tente de me rassurer.

– Est-ce que tu veux nous raconter ? Je suis sûre que tu n'as rien fait de mal.

– Mais je sais que je n'ai rien fait de mal !

Je me plie en deux. Mes parents se taisent, ne sachant plus quelle attitude adopter. Je laisse deux larmes filer le long de mes joues, puis j'inspire profondément et me redresse. Je déclare :

– Ça passera.

Je quitte le salon à grandes enjambées, la tête haute alors que je ne me supporte pas. Ni mon père ni ma mère ne font un geste pour me retenir. Ça passera.


Je ne suis pas sortie depuis cinq jours. J'ai voulu aller admirer l'aurore hier, mais j'ai eu trop peur de croiser quelqu'un – peut-être Apolline. Il m'a fallu quelques temps pour le ressentir vraiment, mais je suis fière d'avoir réussi à me promener avec elle, et heureuse aussi. Je ne sais pas si j'ai envie de la revoir (nous n'en avons même pas parlé ensemble) ou si je préfère qu'elle demeure l'étrange songe qu'elle a été le temps d'un après-midi. Je me terre dans les ombres de ma chambre pour éviter de choisir. Je suis fatiguée. Je trouve insupportable d'avoir besoin d'autant de temps pour me remettre d'une simple balade. Pour me distraire j'ai fait le tour de la maison avec ma caméra, je n'ai plus rien de nouveau à y filmer maintenant. Je me suis rendue une fois dans le jardin mais l'anxiété m'empêchait de trouver de la beauté dans ses herbes folles ou ses escaliers moussus. Ça m'a tellement découragée que je n'ai pas osé y remettre les pieds. Depuis, je m'ennuie dans ma chambre. Il doit être vingt heures, et le ciel rosit. Cela fait cinq jours que j'espère jusqu'à la dernière lueur du jour, réussir à me sortir de ma torpeur. C'est quand la nuit tombe que je réalise que je suis restée immobile à ma fenêtre pendant toute la journée.

Quelqu'un frappe à la porte de ma chambre. Je l'autorise à entrer, et c'est ma mère qui se montre.

– Est-ce que tu veux sortir ?

Bien sûr – mais j'en suis incapable. Je fonds en larmes.

– Thalie, ne pleure pas ! Est-ce que tu veux venir avec moi au cinéma ? On y passe ton film préféré, tu sais ? Celui qui t'a beaucoup plu en tous cas.

Fleuve roseWhere stories live. Discover now