Chapitre 10

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Elle le toisa et prit la parole :
-Comment oses-tu ? S'écria-t-elle, allez, dis-le Christian, dis-le !
-Qu'elle n'est peut-être pas heureuse avec nous et qu'elle ne veut pas nous blesser en nous le disant ! Dit-il en sanglotant et hurlant.

Le docteur Carlingher s'exprima et dit aux Greenfields qu'ils n'étaient pas près, qu'ils pouvaient poursuivre demain étant donné qu'ils étaient encore sous le choc. Il conseilla qu'ils aillent se reposer. Comme je m'y attendais, ils déclinèrent l'offre. Ils voulaient rester au chevet de leur fille.

-Je sais que c'est éprouvant pour vous, ça a été une longue journée. Peu importe le temps que ça prendra, il sera toujours difficile de répondre à ces questions. Essayez de prendre le temps de digérer tout ça pour que le travail que nous effectuerons ensemble grâce à ces questions puisse être productif et aider votre fille au mieux. Donc rentrez chez vous et reposez-vous et on reprendra demain, car le cas de mademoiselle Greenfields, malheureusement il ne changera pas en une nuit.

-Nous ne pouvons ni ne voulons rentrer chez nous, docteur, même dans le coma notre fille a besoin de nous et nous avons besoin d'être auprès d'elle. Que cela vous dérange ou non, nous allons passer la nuit ici, dit avec une pointe d'autorité Christian.
Jody, en larmes, acquiesça d'un hochement de tête.

-D'accord, je comprends. Essayez de vous reposer au maximum pour que nous soyons efficaces demain. Vous devez sûrement vous demander comment des questions peuvent aider votre fille, tout ceci est fait pour mieux la comprendre et comprendre pourquoi elle refuse de se réveiller. Je reviendrais vous rendre visite dès 10h demain matin.
Carlingher nous salua et s'en alla. Maintenant j'étais dans une impasse. Dans la logique des choses j'étais sensé les laisser seuls, « en famille », mais cette mission, de ce que j'ai pu voir, allait s'avérer plus complexe que prévu. De ce que je savais d'elle, j'avais compris qu'elle avait une vie compliquée et un passé trouble. Je l'avais vue, Sira. Elle est comme une boule à neige enfermée dans son monde et si je voulais y entrer, elle seule en avait la clef. Les parents peuvent être un début intéressant. C'était le moment de revêtir le masque, qui je sais, même sans qu'ils s'en rendent compte maintenant, marquera une infime partie de leur esprit. Chaque mot, chaque geste pouvaient marquer notre cerveau d'une manière dont nous ignorons encore l'étendue. J'étais plutôt excellent dans mon travail et je savais que la façon dont je me mouvais dans la pièce, mes regards, mes gestes contrôlés et calculés, étaient le premier pas vers l'appréciation qu'ils auraient pour moi. Wyatt, l'humain charmant et affecté, acte numéro 1.

-Je suis profondément désolé de ce qui arrive à votre fille, dis-je d'un ton faussement maussade et triste, je ne la connais pas mais ce genre de chose ne devrait arriver à personne. Je pense vous avoir assez importuné aujourd'hui, je vous laisse en famille et si vous le permettez, j'aimerais revenir demain pour prendre de ses nouvelles.
-L'intérêt que vous portez au bien-être de notre fille nous touche beaucoup, dit le père de Sira, ému. Bien sûr que vous pouvez revenir demain, ça nous fera plaisir.

Jody ne parlait plus depuis un moment, ses larmes ne cessèrent de couler depuis la première question du docteur. Elle était incapable de parler mais je vis dans ses yeux qui étaient d'une couleur marronne chaude, l'émotion et la tendresse qu'elle éprouva pour moi à ce moment-là. Je fis la bise à Jody et fit une poignée de main à Christian. Je fis semblant de m'en aller, car je sentais qu'ils allaient se disputer et il fallait que j'entende ça. Après un sourire gêné, ils s'en allèrent vers la chambre de Sira. Mes sens sont quatre fois plus développés que ceux des humains, un de mes sens accru consiste à avoir une ouïe qui me permet d'écouter à plus de 12 kilomètres quelques soit l'obstacles qu'ils y aient entre cette distance et moi. Malheureusement, je ne pouvais les voir à travers les murs de la chambre de l'hôpital, car mon acuité visuelle surdéveloppée consistait simplement à voir dans le noir et non pas à travers les murs. Je trouvai des cabinets de toilettes libre et m'y enferma pour pouvoir être plus à l'aise pour espionner leur conversation. Même si je n'en avais pas besoin, je fermai les yeux pour mieux me concentrer. J'ai pu observer durant cette heure les gestuelles des Greenfields et maintenant, en entendant leurs pas et en écoutant leurs respirations, je pouvais les différencier des autres. Il fallait que je fasse abstraction du bruit qui les entourait pour me concentrer simplement sur eux. C'est simple, c'est comme du triage à la viande avariée, évidemment que j'aurais pu trouver un autre exemple mais en réalité c'est la réalité. Les humains sont des morceaux de viandes, certains plus pourris que d'autres. Dans mon cas, il fallait que je me concentre sur la viande qui était encore potable et qui allait me servir. Finalement connecté à mes deux protagonistes, en ayant fait brillamment le tri, je pouvais poursuivre. Ils entrèrent dans la chambre. J'entendais la main de Christian refermer la porte avec férocité, je reconnus Jody à ses pieds qui gratinaient le sol. Un bruit sourd retentit ; cela devait être le sac à main bien fournis de madame qui atterrissait, je présume, sur une commode ou autre chose. J'entendais leurs pas avancer, je suppose, vers le lit de Sira. Leurs respirations s'accéléraient et j'entendis des reniflements, Jody fut la première à prendre la parole.

-Allez vas-y redis-le ! Dit Jody en pleurant, je veux l'entendre à nouveau ! Je veux que tu le dises. Avant que tu me parles, il faut que tu saches le mal que tu m'as fait quand je t'ai entendu prononcer ces mots. Ces mots avec cette bouche que j'ai tant aimé, que j'aime tant, avec le visage de cet homme, celui qui est l'amour de ma vie avec qui j'ai vécu tant de choses et surtout l'incommensurable bonheur d'adopter cette extraordinaire enfant qui est devenue une si belle jeune fille.
Tu te rappelles, le jour où j'ai appris que je ne pouvais pas avoir d'enfants, je n'arrivais plus à vivre. Me dire que le bonheur imaginaire que je ressentais quand je m'imaginais mère n'aurait aucun espoir d'être réel. Tu étais là, d'ailleurs tu as toujours été là. Je t'ai sommé de partir, de trouver une femme qui n'avait pas été déglinguée par la vie, qui était capable de t'offrir un enfant comme des millions de femmes sur cette planète et d'assouvir ton rêve d'avoir une famille. Tu m'as simplement répondu : « Non. Tu es ma famille et que tu puisses me donner un enfant ou non, je ne t'échangerais pour rien au monde. »
Nous nous sommes lancés dans cette aventure d'adoption. Après des années d'attentes, on nous a enfin contacté pour rencontrer notre futur enfant. Nous étions tellement excités, nous n'avions pas dormis pendant plusieurs jours. Le jour venu, nous sommes arrivés dans cet orphelinat où je savais que nos vies allaient changer. Une des éducatrices nous a fait traverser un long couloir avec des murs bruns foncés. Elle nous avait dit : « La chambre de votre bébé se trouve à la fin de ce couloir. » et nous l'avons vu, porté. Cet enfant était beau, avec un sourire ravageur, il était parfait. Mais cette perfection ne me touchait pas, je ne ressentais rien. Je t'ai regardé, j'ai vu que tu ressentais la même chose que moi. Nous étions tellement désespérés et avec la fausse idée que cela s'arrangerait sûrement avec le temps, car ceci était nouveau pour nous. Nous sommes rentrés chez nous, nous avons diné. Sans un mot. Jusqu'au lendemain où nous y sommes retournés et c'est là que je l'ai vue. Cette petite fille de 8 ans regardant les jouets qu'on lui avait donné, comme si c'était quelque chose qui allait lui faire du mal. Elle avait cette peau chocolatée, ces yeux tirés, ses cheveux longs et ondulés, et ce regard d'ange. On pouvait voir la souffrance à l'intérieur de ses prunelles. Elle avait un petit menton, un petit nez, un visage rond, elle avait quelque chose d'inexplicablement captivant, d'inexorablement parfait. Elle tourna la tête et tu es venu me demander ce que je regardais si intensément et toi aussi tu l'as vue, elle nous a regardé les deux en même temps et c'est là que nous avons su. L'amour, celui qui transperce le cœur, qui vint la haine, guérit les plaies et apporte le bonheur et le soulagement de l'âme. J'ai su qu'à cet instant-là, c'était ma fille.

Hey !

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Et souvenez-vous: Tout le monde a le droit d'exiger le meilleur pour soi-même.

                                       
                                            Victoria.

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