Chapitre 4

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Wyatt

C'était 5 heures du matin, je décidais de laisser ma voiture et de marcher en me remémorant la conversation que j'avais eu avec lui. Je comprenais maintenant pourquoi on m'a forcé à venir dans cette ville sans le moindre intérêt. Ouais, c'est pour ça qu'ils me faisaient faire une pause si longue, ils voulaient que je sois en forme. J'ai toujours réussi mes « missions ». Bon, plusieurs ont été compliquées à achever et à réussir mais j'y suis quand même arrivé.

En arrivant chez moi, Benjamin n'était pas là et bien évidemment il avait tout mangé en me laissant un désordre pas possible. C'était six heures du matin maintenant, et au lieu de dormir, je devais tout ranger. De toute façon, je ne trouverai pas le sommeil quand ma cuisine se trouvait dans un tel état. Après un rangement de quarante-cinq minutes je pus enfin me reposer.
Allongé confortablement dans mon lit où je dormais, on tambourinait à ma porte et je me réveillais en sursaut.
-La personne qui est derrière cette porte peut s'inquiéter pour sa vie, dis-je pour moi tout seul.
Je dévalais les marches quatre à quatre, en arrivant devant la porte, je transpirais déjà. En l'ouvrant, je découvris Benjamin complètement à côté de ses pompes, il avait beaucoup trop bu. Il tomba et je le rattrapais de justesse. Il empestait l'alcool. Ses habits de marque, une chemise en soie blanche et son pantalon en jeans fait sur mesure, étaient tous tâchés de je ne sais quelle substance.
-Hé doucement ! Je pris son visage entre mes mains et le regarda droit dans les yeux. Qu'est-ce qui t'arrive encore ? Je le forçais à s'asseoir sur le canapé. S'il vomissait sur mon canapé tout neuf, je lui trancherais la tête.
-WYATT ! Criai-t-il.
-Parle Ben, parle, l'encourageai-je malgré moi. Sérieux, déballe ton putain de gros sac, je veux retourner dormir.
Oh non, il riait maintenant.
-Wyatt, gloussai-t-il. Je... je me suis envoyé de ces filles ce soir ! Au moins cinq... Nan, nan six ! Hum c'était... Tu sais que c'était bon ta bouffe là, ouais c'était bon, mais ces filles elles étaient bandantes... Attends j'ai couché avec au moins deux fois avec chacune d'elles, ça fait combien de fois en tout ? Trente ? Ouais...
Il s'était endormit... Sur mon canapé. Mon canapé, bref.
-Fais un régime, mon pote, lui dis-je en montant l'escalier pour aller au premier étage. Il n'était pas gros, il était bien fichu même, pas un gramme de graisse mais faisait son poids. J'allais le mettre dans une des chambres, en vérité je pouvais dire que c'était sa chambre parce qu'il passait sa vie chez moi, même si son appart était presque aussi classe que le mien.
Benjamin était mon meilleur ami, malgré moi.
Une fois Benjamin au lit, j'allais sur le balcon de ma chambre, regarder la vue et repenser à cette mission, pourquoi m'avaient-ils laissé autant de temps sans rien faire ? J'avais l'habitude maintenant d'en gérer plusieurs à la fois aux quatre coins du pays et parfois plus loin... Pourquoi ils m'ont fait déménager aussi loin et avec Benjamin ?
Le paysage était si beau et si sombre... Le soleil allait se lever mais il y avait encore l'obscurité du matin. En ce moment-là, je repensais à mon père... S'il me voyait faire toutes ces choses, et bizarrement, je n'en doutais pas, il me renierait.

Sira

La première journée de cours se terminait plus tôt. Le professeur avait décidé de nous libérer en avance car, il estimait qu'on devait profiter de notre dernier jour avant que les choses sérieuses commencent.
-Allez-y ! Mais demain, soyez prêts ! Vous êtes au courant du programme, il est intensif, je veux que vous soyez tous diplômés à la fin de ces quatre années pour certains, ça sera sûrement plus ! disait M. Perrigrino.
-Alors ? Tu as réfléchi ? murmura Elliott dans mon dos. Il avait choisi de s'asseoir derrière moi.
Je ne voyais pas de quoi il parlait.
-Non, tu as déjà oublié ? Mon Dieu ! La fête ? Ça ne te dit rien ? Écoute, tout le monde vient même les gens... bref. Même les intellos ! Alors viens, tiens (il me donna un bout de carton rectangulaire avec son nom, son adresse et l'heure où la fête commençait. Elliott Cashier.)

-Oui, reprit-il en me tirant de mes pensées interminables, mon nom de famille est Cashier... Si c'est ça que tu te demandais en regardant le carton d'invitation. D'habitude je n'en fais pas des cartons d'invitations mais bon vu qu'il y a beaucoup de nouvelles têtes et que je n'ai invité que les premières années et les dernières années, je ne veux pas que certaines personnes s'incrustent. Il y en aura de toute façon mais j'essaie de limiter les casses parce que sinon il y aura beaucoup trop de monde... Ça y est, je parle beaucoup trop, désolé. Donc, je résume vendredi soir 20h00. Réfléchis-y et viens.

En arrivant à l'orphelinat, Paul arrivait en courant dans ma direction. Ses parents avaient été tués par des braqueurs dans leur bijouterie quelques mois après sa naissance. Même s'il était trop jeune pour se rendre compte de ce qu'ils se passait, il savait que quelque chose avait changé. Je l'ai vu grandir, il a fait ses premiers pas, ici, dans l'orphelinat. Quelque chose me transperçait dans ses yeux, ça me faisait tellement mal à chaque fois que je le regardais. Ses yeux verts reflétaient bonté, amour et détresse. Il a prononcé le mot maman en me regardant droit dans les yeux.

Parfois, la nuit, quand les questions envahissent mon esprit, quand j'arrive devant un mur, qu'on réalise qu'il n'y a rien de bien concret, que finalement vous cherchez et vous ne trouvez pas. Ne me demandez pas ce que je cherche, je ne sais pas, quand je l'aurai trouvé, je le saurai. Paul me poussait à chercher, et je l'aimais pour ça. Chaque enfant qui naît est la preuve que Dieu n'est pas encore découragé par la race humaine. Paul, Joy et Alexander en sont la preuve. Paul avait cette façon de me regarder, et je me disais peut-être qu'il n'était pas trop tard.
L'orphelinat était installé dans une espèce de château de cinq étages. Quinze salles de bains, vingt-cinq chambres, jardin, piscine, garage. Là, vivaient une cinquantaine d'enfants. J'avais décidé de m'y inscrire en tant que bénévole il y a trois ans de cela. Après avoir emmené Paul faire sa sieste, je marchais dans les couloirs du deuxième étage et je croisais Elliott. Je me souvenais maintenant. Oui, je l'avais déjà vu, mais apparemment mon cerveau n'avait pas retenu l'information. Il me salua, de loin, il portait un pantalon gris et un t-shirt bleu en col V qui lui allait parfaitement. Il avait l'air fatigué, les traits de son visage étaient tirés. Il portait Danielle dans ses bras, un bébé de seulement trois mois qui était arrivée il y a une semaine. Il était assis par terre, dos à la fenêtre. Je reconnaissais Danielle, car elle portait le même body du jour où elle est arrivée.
Elle regarda Elliott avec des yeux immensément grands. Dans son regard se dégageait une nonchalance et une grâce sans comparaison, de l'amour aussi. Elle venait des Philippines, avec ses cheveux noires de jais, elle apportait cette fusion entre la douceur et la douleur. C'est étrange, la façon dont ces deux mots se ressemblent et sont radicalement différents. Une lettre les différencie, et pourtant, un fossé les sépare. Elle le regardait, il la regardait. Je les observais pendant un long moment, combien ? Je ne saurais le dire. Jusqu'au moment où Elliott releva la tête et me vis dans l'encadrement de la porte de Danielle. Elle avait sa propre chambre. J'ignorais comment procédaient les autres orphelinats, mais ici à Someday We Will Know Orphanage, les bébés qui ne faisaient pas encore leurs nuits, dormaient dans une chambre solitaire, pour éviter au maximum de déranger les autres enfants. La chambre de Danielle était décorée de jaune et blanc, elle était magnifique. Un grand berceau blanc, une table à langer jaune foncé, un fauteuil jaune clair qui était assorti à l'armoire et au tapis sur le sol. Les murs quant à eux étaient d'un blanc immaculé. J'adorais sa chambre et le bébé qui y vivait aussi. En me voyant il se leva délicatement d'une main en appui sur le sol pour s'aider et de l'autre main tenait fermement le bébé, il la déposa dans son berceau et la recouvra de sa superbe couverture en laine blanche. Je voulais m'enfuir à la minute où il m'avait vu mais mon corps n'avait pas bougé. Il s'approcha et déposa une main sur ma hanche pour me pousser à sortir de la chambre et fermer la porte derrière lui pour laisser dormir Danielle en silence. Je me dégageais à la seconde où il avait posé sa main, ce n'était pas contre lui, même si ce geste fut anodin, je ne supportais pas les contacts physiques, je faisais un effort considérable pour mon frère et ma sœur, et de même pour les enfants d'ici. Ils ne comprendraient pas, ils sont trop jeunes pour comprendre qu'il ne s'agissait pas d'eux mais de moi.
-Désolé, me dit-il en me regardant avec ses yeux marrons clairs. Je... je voulais juste te pousser pour fermer la porte et tu as sursauté.
-Ne t'en fais pas, murmurai-je.
-Tu sais qu'on est sortis de la chambre, me dit-il en riant. Tu peux parler normalement.
Je répondis avec un léger sourire.

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