Angoisse de Luna

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J'ai couru jusqu'à tomber d'épuisement, mes bras et mes jambes égratignés par les branches. Ma robe blanche tachée de boue. J'ai fui éperdument toute la nuit, pieds nus sur le sentier de gravelle. Les racines me faisant trébucher. Creusant des lignes de sang sur mes chevilles. Pas grave. Des rivières de larmes coulent de mes yeux, c'est normal que je ne ressente rien. Toute la douleur s'échappe dans les perles salées que je verse. Je n'ai pas mal. Je n'ai pas froid, je ne sens même plus la morsure du vent glacé sur mon visage dénudé.

Seulement, l'angoisse me dévore. Et je fuis un danger encore plus grand que la mort elle-même. Je le sais, j'ai vu dans les yeux de l'homme le regard d'un prédateur. Je ne le connais pas. Un étranger total qui a tenté de s'approcher de moi, de briser les barrières de mon intimité.

Il a voulu m'attraper, mais j'ai couru. Je me suis battue, refusant de me laisser agresser. Peut-être pour la première fois de ma vie, j'ai imposé ma propre volonté, suivi ma voie. Et mes cheveux ne dissimulent plus mon visage couvert de pansements. Mais c'est sans importance. Ici, il n'y a personne pour me voir. La forêt est silencieuse, et la ville loin derrière. Personne ne me retrouvera. Pas même Paul.

Une autre larme coule, chaude sur ma joue, alors que je repense à lui. Je n'aie pas pu lui dire adieu. Il fait nuit, pour le moment, et la pleine lune fait briller les filins d'argent de mon pendentif, mais quand le jour se lèvera, il sera seul dans le banc au fond du bus.

Mais il ne faut pas qu'il vienne me chercher. Il ne faut pas qu'il pose ses mains sur ma taille, qu'il me supplie de revenir. Qu'il me retienne là-bas.

Paul doit m'oublier, et je dois faire mon deuil de lui.

La fille sur le banc du fondWhere stories live. Discover now