Chapitre 40: Envole-toi et reviens-moi

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Anju avait préparé son départ dans le plus grand secret. Elle observait le monde s'écrouler et les masques tomber, en retrait face à ce spectacle sordide.

Le plus étrange dans cette situation était de voir que les Mukami étaient ceux qui portaient à bout de bras le manoir. Ils avaient décidé de rester finalement avec les Sakamaki et l'intelligence de Ruki avait achevé de convaincre les aînés de les laisser occuper les chambres où ils logeaient jusque-là.

Anju découvrait à nouveau les pouvoirs de leadership et d'analyse de Ruki, combinés au savoir et l'esprit critique de Reiji, mais aussi l'expérience de Shu. C'était un trio puissant qui planifiait du mieux qu'ils pouvaient les réponses à adopter face aux différents événements qui planaient sur leurs têtes.

Une nuit, Ruki exposa alors leur plan au reste des occupants. Il avait expliqué avec ferveur leur projet, s'appuyant sur les émotions que chacun ressentait. C'était comme assister à la naissance d'un être nouveau.

Ruki avait alors confié à Ayato qu'il avait des origines nobles et que c'était l'une des raisons pour lesquelles il avait certaines connaissances de l'étiquette que ses frères n'avaient pas. Cela avait étonné Ayato puisque Ruki détestait l'aristocratie, mais il n'avait rien rajouté. La paix entre ces deux-là était toujours fragile et il ne voulait pas briser cela alors que tout autour d'eux s'effondrait déjà.

Anju à nouveau avait gardé le silence quand elle avait entendu le plan. Elle ne comptait pas s'en mêler. De toute manière, elle n'y était pas conviée. Alors, elle sourit face à la complicité naissante entre les différents membres des deux maisons.

Elle remarqua pourtant cette rage qui étreignait trois êtres en particulier. Isolés, poings serrés, ils ne digéraient pas les précédents événements. Son regard courut sur le visage fatigué de Subaru, les yeux irrités de Raito, et les marques à peine cicatrisées sur les poings de Kou.

Ils ne se pardonnaient pas eux-mêmes de ce qu'il s'était produit et bien qu'ils comptassent participer aux hostilités, ils ne faisaient pas l'impasse sur cette colère sourde qui les étreignait.

Anju se demanda alors si leur rajouter une source de stress était réellement utile. Elle y réfléchit deux jours et deux nuits, inquiétant Ayato, malgré son masque d'arrogance, sur la distance qu'elle prenait face à tout le monde.

Le troisième jour, elle demanda à tous les habitants de se rassembler.

Ayato avait alors compris, et sans un mot s'était appuyé sur le mur, en retrait.

La vampiresse prit alors la parole, hésitante.

« Je me suis beaucoup demandé si la guerre allait éclater. Si c'était le cas, combien d'entre nous survivrait ? Le nombre actuel viendrait-il à baisser ? Je me suis torturée avec ça. Il a déjà commencé à baisser. Pourtant vous voulez aller vous battre, défendre la liberté, abattre un règne absolu et abusif, échapper à une guerre d'intérêt mais provoquer une riposte face au traitement que vous avez subi. Je voulais juste... savoir si vous aviez réfléchi à la question, à ce que vous laissez derrière vous, à ce que vous abandonnez potentiellement. Etes-vous certains de vos décisions ? »

La voix d'Anju craqua un peu. Elle se racla la gorge et esquiva le regard d'Ayato. Les autres restèrent silencieux, se demandant la raison réelle de leur présence ici.

« Vous cherchez à protéger ce que vous chérissez n'est-ce pas ? Pour cela tous les sacrifices sont bons. Vous allez vous battre, vous êtes courageux. Je veux me battre aussi, mais à ma façon, pour une chose différente. Je me bats pour l'après, pour votre retour, pour amorcer un monde meilleur où on sera tous heureux, sans l'empreinte du passé, sans l'ombre planante et terrifiante d'un roi apprécié de certains et redouté des autres. Sans les guerres de clans, le conflit entre anges et démons. Sans la menace d'un dieu de la mort ayant perdu son enfant. Je me bats pour votre avenir et vous notre présent. »

Les regards se faisaient toujours plus curieux, inquisiteurs. Ayato serra les poings, il ne voulait pas entendre la suite mais y était contraint.

« C'est pourquoi je vais partir. Je me suis organisée avec Kyra et les Tsukinami. Ils ne s'engageront pas non plus dans cette guerre, ils ne sont que trois, trop peu pour attaquer ou se défendre, malgré leur puissance. Ce ne serait pas dans leur intérêt, ils veulent juste refonder leur espèce. Là-bas, je serai plus en sécurité. Pour l'instant c'est la meilleure solution pour moi. Tant que je n'ai pas de raisons de vous suivre, tant que je ne suis pas sûre de comment préserver l'avenir, je devrais me tenir à distance. Je veux comprendre les agissements de Karlheinz, pourquoi on en est arrivé là. Je veux comprendre ce projet qu'il semble mener. Je veux comprendre la situation avant de me battre. Et j'ai aussi quelque chose à protéger.

- C'est une blague ?! Tu pars et en plus avec eux ?! La dernière fois, on avait dû se battre pour qu'ils te laissent partir et cette fois tu y vas de ton plein gré ?! Et bordel c'est quoi cette chose que tu veux tant protéger ?! J'entends cet argument tout le temps, « j'peux pas te le dire », « C'est pas le bon moment », parle ! J'peux pas avancer en te laissant faire j'sais pas quoi. Tu dis juste que tu vas partir, en noyant le poisson pour dire que nous on fonce tête baissée alors que toi tu réfléchis ?! C'est quoi ce délire ! »

- Ayato... »

Secouant la tête, le vampire aux cheveux de feu claqua violemment son poing dans le mur avant de disparaitre.

Un silence pesa quelques instants avant que les autres ne prennent aussi la parole.

« Ayato est trop énervé pour comprendre le sens réel de tes paroles. Ils foncent toujours tête baissée et est aveuglé par ses émotions. D'autant plus qu'il ne comptait de toute façon pas te laisser te battre. Raito soupira.

- Il n'accepte juste pas de passer le relai à d'autres que lui, expliqua Kanato. »

Anju baissa la tête, discuta des détails de son départ avec les autres. Son cerveau et ses pensées s'emmêlaient, triste de cette séparation qui l'attendait.

Si elle écoutait son cœur, elle se dirait qu'Ayato n'aidait en rien cette tristesse, qu'il ne comprenait pas ce qu'elle ressentait. Mais elle savait voir au-delà de tout ça. Ayato était inquiet, il avait le droit de l'être. Ayato n'était pas responsable de ses tourments, il ne pouvait être responsable que de son bonheur. C'étaient les événements qui posaient problèmes.

La vampiresse s'enferma dans la chambre et s'assit au bureau. Elle prit un stylo et du papier. Un soupir passa la barrière de ses lèvres avant qu'elle ne s'attèle à l'écriture d'une lettre.

Je te vois à travers mes larmes,
Je t'imagine sous les armes.
Je t'entends à travers les cris,
Sauras-tu revenir en vie ?
A travers la brume, je te distingue,
Et tout cela me rend dingue.
A travers mes peurs, tu me rassures,
Je prie pour que notre amour dure.

Qu'importe cette guerre, tu seras à mes côtés,
Essuie ces larmes, fais taire ces cris,
Nous nous battons pour la liberté.
Voyant qu'elle ne sera pas ici,
Nous fuyons, nous envolons.
A notre, façon, nous nous battons.

Accepte mon départ,
Pense à moi le soir,
Rêve de nous deux
Pour un jour être heureux.

Laisse-moi voler,
Je saurais te revenir.
Je te laisse t'échapper,
Priant pour ne pas faillir.

Elle posa son crayon, pleurant de ces larmes silencieuses qui fendent le cœur.

« Ayato, je m'envole et je te reviendrai, alors de ton côté, envole-toi et reviens-moi aussi. »

À travers ses yeux (Diabolik Lovers)Tahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon