Chapitre 16 ½ : Raito

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« Raito. »

Sa voix portée jusqu'à moi me rappela ce que je voulais oublier.

« Raito. »

Son parfum me serra le cœur et je voulus me débattre pour sortir de cette douleur.

« Raito, viens par ici. »

Mes yeux s'ouvrirent et mes doigts sur le piano se figèrent dans les airs. Je la regardai, elle me tendait la main.

« Raito, m'aimes-tu ? »

Un sourire triste se forma sur mes lèvres et en un soupir, je lui répondis.

« Bien sûr.
- Montre le moi dans ce cas, viens. »

Ce sourire aussitôt éclot se fana. Il fallait toujours qu'on en vienne là. Si tout n'était que charnel, pouvait-on parler d'amour ? Elle m'utilisait et jouait avec cette innocence depuis longtemps perdue. Je la détestais, parce qu'elle me faisait me sentir faible, je ne pouvais rien contre elle et j'étais forcé de me rabaisser à tout ça.

Elle me disait un « je t'aime » et perdu dans mes illusions au début je pensais tout cela normal. Puis vint l'instant où je pris conscience de tout cela, de l'effet de ces sept lettres sur l'esprit et sur le corps. Et à mon tour, je les ai testés.

« Qu'attends-tu ? Viens avec moi. »

Même dans mes songes, je ne pouvais me défaire de son emprise. Cette femme qui nous a détruit.

Alors, comme c'était le cas par le passé, et parce que tout chez elle me manquait et me révulsait, je lui emboitai le pas.

Pourquoi tout cela était-il automatisme ? Pourquoi étais-je toujours aussi faible ? Un peu plus, mon cœur se brisa. L'amour n'était pas, encore moins dans notre monde. C'était un moyen pour les faibles de se sentir moins seuls, et elle aussi était faible. Elle lui courait après, et je la regardais tristement s'éloigner, puis comme une fleur, elle revenait à moi lorsqu'elle s'ennuyait ou qu'elle était à bout, et en quelques mots elle me manipulait.

Ces cauchemars et ces maux qui hantaient mes sommeils me réveillaient parfois en un cri et en pleurs.

Cette fois-ci, elle était avec moi.

« Qu'est ce qui te prends enfin ? Tu deviens si faible... Au début, je me demandais ce que j'allais faire de toi, puis je t'ai trouvé mignon quand tu es devenu plus mature, et lui m'évitait toujours. Je t'avais enfin trouvé un rôle, ne commence pas déjà à perdre pied. Enfin, ce n'est pas si grave, si tu commences à me lasser, j'irai plus souvent aux côtés de ton oncle. »

Alors que j'étais mal, elle m'enfonçait encore plus.

Encore

             Et encore

                                 Et encore.

Tout cela était-il normal ? Ma normalité, notre normalité, mais pas la normalité.

« Je suis navré, un simple cauchemar, j'ai cru que tu me quitterais alors que je te satisfaisais encore, fufu. »

Quand ai-je commencé à revêtir ce masque ?

« Tu me rassures, déjà qu'Ayato n'est pas bien utile en ce moment, et que Kanato ne m'est pas beaucoup plus utile que toi, j'avais peur que tu ne me serves définitivement plus à rien. »

Son rire s'éleva, cynique et chargé de rancœur envers cet homme. C'est lui qui l'avait rendue comme ça, et c'est elle qui nous a brisés.

Pourtant, je semblais même dégoûter mes frères par ce lien qui nous unissait.

Notre normalité, mais pas la leur.

Mes souvenirs confus me ramenèrent au piano.

Aux sonorités mélancoliques, ces morceaux si tristes mais qui lui plaisaient tant. Elle aimait que je lui en joue, et je m'exécutais car je me sentais fier d'être utile pour autre chose, que l'on reconnaisse en moi une qualité.

Kanato chantait.

Ayato travaillait avec acharnement.

J'étais son jouet.

« Cordelia ? Oh Raito, tu es là.
- Richter. »

Quand mon oncle, ce crétin qui voulait le trône de son frère, entra dans la pièce, l'ambiance était tendue. Nous nous jaugions du regard, reconnaissant les limites de nos échanges, nous ne pouvions nous battre, seuls des piques et du cynisme avaient leur place ici.

Elle s'approcha de lui, sourire aux lèvres, et déposa ces dernières sur sa joue.

S'accrochant à son bras, elle me lança un regard qui voulait dire que je les dérangeais. Jetant un œil à mon piano, levant ensuite mon regard vers la lune à travers la grande fenêtre, je soupirai et sortis de la salle.

« Reviens me voir tout à l'heure.
- Oui mère. »

Chaque jour un peu plus, je me brisais. Dans cette relation tout sauf saine, mes plumes s'arrachaient et on m'empêchait de voler. Joie ? Bonheur ? Amour ? Inepties, dans notre monde, rien de tout cela n'existe.

À travers ses yeux (Diabolik Lovers)Where stories live. Discover now