Le jugement (1 partie)

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C'était le 19 Juin, je me souviendrai toujours de cette date si particulière. Elle était synonyme de fin mais aussi de renouveau. Synonyme de souffrance mais aussi d'apaisement. Synonyme de passé mais aussi de futur. Le 19 Juin, une date pourtant banale dans le fond composée de deux chiffres et pourtant synonyme de tellement de choses. Libérateur de mes maux, mais aussi le point culminant de toute mes souffrances. Cette date, cette simple date était un paradoxe à elle seule car c'est par la souffrance, par cette vérité exposé au grand publique, par le visage de cet homme que je n'ai plus vu depuis maintenant un peu plus de 2 ans que j'allais mourir, c'était par des faits exposés froidement et par ces mots remplis de noirceurs, par ces mots menteurs, destructeur de vérité qu'il allait m'achever, c'était par la tristesse, la détresse, l'incapacité à agir, par ce sentiment de culpabilité, que je voyais dans les yeux de mes proches et que je ressentais dans tout mon être que j'allais exploser, c'était dans cette salle, le 19 Juin que j'allais mourir, pour pouvoir peut-être renaître, pour pouvoir peu-être me reconstruire, pour pouvoir peut-être enfin sortir la tête hors de l'eau. Cette date serait fatidique autant pour lui que pour moi, cette date je l'attendais, mais je l'appréhendai et la redoutais tellement aussi que je ne savais pas si je devais m'en réjouir où au contraire la craindre, car c'est ce jour-là que tous serait décidé, ce jour là que tous serait prononcé, ce jour-là que je saurai... Ce jour-là!

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C'était le 19 Juin, depuis Septembre dernier j'avais repris les bancs de l'école, marqué souvent par des absences répétées chez le psy. Quelques jours à peine auparavant je venais de passer ma première épreuve au bac, j'avais passé l'écrit de mon bac français. Deux années étaient passées, et j'avais traversé le plus dur des chemins, passant par la découverte de ce secret, de mon secret, puis par ma lente descente aux enfers, amenant avec elle une forte dépression, qui elle invitait tout mes démons, mes doutes, ma culpabilité à prendre place, m'entraînant plus bas encore, me faisant goûté à ce fameux mal-être, celui où on en arrive au point où tous nous dégoûte, que ce soit notre corps qu'on ne supporte plus, ces cheveux qu'on adorait et que pourtant on a envie d'arracher, cette bouche et cette langue que l'on veut détruire, brûler, pour ne pas avoir su parler, ces yeux que l'on veut crever pour qu'il ne nous renvoi plus l'image de ce monstre que l'on est devenu, cette voix, ses cries, ses larmes, qui sont les notre et que l'on veut taire, que l'on ne veut plus voir ni entendre, cet esprit, ces images, ces flashs qui nous torturent et nous détruisent, et cette douleur, cette immense douleur qui irradie tous notre corps et qui nous brûle qui nous hante au point où on veut s'arracher la peau pour la faire sortir, alors passe par la phase scarification, celle qui nous soulage un certain temps, nous permettant de détruire d'une certaine manière ce corps que l'on hait tant, de le faire souffrir comme il nous fait souffrir, car c'est lui notre ennemi maintenant lui et lui seul, cette enveloppe charnelle qui fait de nous ce que l'on est et qui matérialise, qui rend réel le monstre, ce monstre que l'on voit dans ce miroir fissuré, alors on lui inflige cette douleur, on se coupe à n'en plus finir, comme une drogue que l'on ne peut arrêter, prenant tout objet contondant pour pouvoir ce faire mal autrement pour pouvoir lui faire. 

Puis cette période passe, parce qu'elle ne nous suffit plus, malgré les coupures, malgré la douleur infligé rien ne se passe, rien ne s'arrange, et cette douleur, cette putain de douleur est toujours là, toujours présente et elle ne cesse de grandir, elle ne cesse de gagner en importance, et elle fait mal, tellement mal, que se regarder est devenu impossible, car on y verrait ce que l'on est devenu un monstre pour certain, une épave pour d'autres, car au fond plus rien ne va, cette douleur est là et ne part pas, elle reste ancrée en nous, faisant partie de nous, au point où elle nous domine, au point où on est prêt à tous pour la faire taire, au point que seul l'obscurité nous entoure et que la lumière s'éteigne, au point où on pense à partir pour ne plus ressentir, pour ne plus ressentir cette être qui fait de nous ce que nous sommes, car la douleur n'est plus seulement un ressenti, elle n'est plus seulement un sentiment, elle est un être à part entière, et elle nous commande repassant encore et encore, ces mots, ces voix, ces images, ces odeurs, cette culpabilité, ce futur que l'on ne pourra jamais voir réaliser, elle nous fait voir nos échecs, montrant que l'on est rien, que l'on est plus qu'une merde et que la mort serait notre salut, et plus on y pense et plus cette pensée, devient idée, qui elle-même devient une évidence, une solution, la seule et unique solution, notre salut. Alors on pèse le pour et le contre, pensant à ce qu'on laisse derrière soit, pensant à la vie qu'on aurait pu avoir, pensant aux choix que l'on aurait pris si on avait su, on pense, on réfléchi, et puis on craque, on devient égoïste rien qu'une fois, juste une dernière fois, on pense à soit et on voit que jamais on pourra endiguer cette peine cette douleur qui nous torture, imaginer un futur devient impossible, alors on saute le pas et on engloutit une boite de médicament sous la douche, seule dans se désarroi, on cache sa peine et sa douleur encore une fois, pleurant en silence, s'excusant de faire ça en pensant à ses proches, pourtant on ne recule pas, malgré l'eau qui coule et qui nous nettoie malgré nos larmes qui nous rendent presque aveugle, malgré nos mains qui tremblent devant se geste qui n'est pas anodin, on ne recule pas et on avale une à une la boite de médicaments, ce médicament salvateur qui nous sauvera de nous même et de nous tourment, et pour avoir la conscience plus tranquille on se dit que de toute façon on libérera les autres, ils n'auront plus à nous supporter, ils n'auront plus se poids à porter... Alors pour cette soirée que l'on croit la dernière, on regarde ses proches, sa famille, on la regarde, lui demandant intérieurement de nous pardonner pour ce geste, lui disant par des gestes, des mots, des regards à quel point on les aime, et qu'on s'excuse car on ne voulait pas mais on avait pas le choix.   

Puis vient le moment du coucher, où l'on croit que ce sera la dernière fois que l'on ferme ces yeux sur ce monde, alors pour l'espace d'un instant, d'une dernière nuit, on se souvient de tous ces souvenirs heureux, de tous ces moment partagés, de tous ces sourires échangés, mais vient le moment où les passages obscures de notre vie, ces parties que l'on souhaitent oubliés refont elles aussi surface, alors on pleure, on pleure pour cette douleur qui nous tue et que l'on ne supporte plus, on pleure pour notre salut, pour qu'enfin ça cesse, on pleure pour tous ce que l'on ne peut plus supporter, pour tous ceux que l'on aime et qui doivent nous pardonner, pour tous ceux qui nous ont détruit et qui à fait que ce moment devait arriver, tel une fatalité...

Quelques heures plus tard, on se réveille malheureusement, et on pleure, on rechute parce qu'on se dit que l'on est une incapable, incapable au point de ne pas réussir à se suicider, on pleure parce qu'on se sent désespéré, parce qu'on se dit que même la mort n'a pas pu nous délivrer, que même la mort n'a pas voulu nous chercher. Alors, au petit réveil le matin, se cachant sous l'oreiller on pleure, notre chagrin, notre désespoir, notre défaite, ne faisant pas trop de bruit pour ne pas inquiéter.

Puis les jours passent, le soutien, le psy font effet, et la douleur s'atténue, doucement, tombant parfois, mais sûrement on remonte la pente parce qu'on fond on ne demande qu'à vivre, qu'à pouvoir respirer à nouveau, qu'à pouvoir se regarder dans la glace, sans y voir le monstre que nous sommes, alors on se bat, mais pas sans sacrifice, alors on quitte l'école à quelques mois des épreuves pour pouvoir se reconstruire librement, on chercher un travail qui nous permettra de reprendre un minimum de confiance en soit, et doucement on sourit à nouveau à la vie, et surement elle reprend son cours, nous ramenant une fois les grandes vacances terminées et le travail fini vers les bancs de l'école, nous amenant à reprendre son année et à tous donner pour montrer que l'on est capable, que malgré les épreuves traversées, on les a surmontées, dépassant même ses propres espoirs en ayant une moyenne jusque là jamais atteinte, et nous voilà à nouveau doucement mais surement à cette date du 19 Juin. Cette date qui nous fait remonter que des mauvais souvenirs que l'on croyaient avoir battu et enterrés, mais qui sont toujours là marqué au fer rouge, cette date que l'on a pas oublié et que l'on redoutait comme on l'attendais, cette date qui nous montre le chemin parcouru, qui nous montre le chemin que l'on a traversé, cette date qui nous montre la bataille que l'on a gagné avant tout contre nous même. Cette date une seule, et pourtant si importante. 

C'est à tous cela que j'ai pensé en me levant ce matin-là, c'est à tous ce que j'ai traversé et à ce que vaincu que j'ai pensé ce matin-là, c'est à cette douleur qui restera toujours en moi mais qui avec le temps s'estompe, c'est à ces larmes que j'ai versées, c'est à cette vie, à ces épreuves si difficiles que j'ai enduré, c'est à tous cela que j'ai pensé ce Lundi 19 Juin, et contrairement à ce que l'on pourrait croire je ne me suis pas sentie plus forte, prête à anéantir le seul homme (si on peut appeler ça un homme)  qui m'a tuée comme aucun autre ne pourra le faire, non la seule chose à laquelle je pensais c'était celle de dormir et de passer ce jour comme les autres, rendre ce jour si particulier comme un jour banale, pourquoi ouvrir ces blessures que je venais à peine de panser ? Pourquoi alors que je n'étais même pas considérer comme victime, les faits étant trop anciens, pourquoi souffrir encore une fois ? 

Mais je le devais, je me devais de me lever ce matin-là, ne serait-ce pour ma petite sœur, pour l'aider et la soutenir, mais aussi pour lui, pour moi, pour pouvoir l'affronter lui, lui montrer que j'étais là, lui prouver, me prouver que je n'avais plus peur de lui, que son emprise sur moi était terminée révolue, je me devais de me lever pour savoir ce qu'il allait dire, pour savoir qu'elle peine il allait encourir, je me devais de me lever.  

Alors c'est ce que j'ai fait, j'ai ouvert les yeux le Lundi 19 Juin, et je me suis levée, pour l'affronter lui une dernière fois, pour pouvoir définitivement mettre cette histoire derrière moi, pour pouvoir mettre de côté, mettre des parenthèses sur cette partie de ma vie, sur ce moment...

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⏰ Last updated: Aug 03, 2017 ⏰

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