Chapitre 21 : Décision

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Pendant la nuit, mon subconscient me ramène des souvenirs en tête que je n'ai absolument pas envie de revivre, comme les pleurs inconsidérés de ma mère, mais aussi le regard de Carmen juste avant l'ouverture de la trappe, et surtout le sourire narquois de Maru lorsqu'il annonce avec bonne humeur que, dès le lendemain, nous allons tous mourir bouffés par des mutants.

Le lendemain, je prends la décision de rester dans la chambre jusqu'au repas du midi, bien que je sois réveillée depuis de nombreuses heures. J'essaye en effet de faire le vide dans mon esprit, et de relativiser.

Cette technique ne fonctionne pas, pour la bonne raison que dans moins de sept heures je serai lâchée dans une ville fantôme, en compagnie de monstres.

Vers treize heures, je sors pour rendre visite à Jim, à l'infirmerie. Dans le couloir médical, tout est minutieusement mécanisé, les portes de fer s'ouvrent à l'aide d'une carte du personnel, et un curieux objet scintillant me scanne la nuque avant que j'entre. C'est sûrement pour vérifier si je ne possède pas un virus transmissible.

Quoi qu'il en soit, je suis de plus en plus mal à l'aise au milieu de ses outils et de ses caméras.

Je demande poliment à un infirmier où se trouve le chevet de Jim. Seringue en main, chiffon dans l'autre, il m'indique du menton un coin caché par des rideaux blancs, isolé du reste de la salle.

Je tire lentement l'un des rideaux, et annonce d'un air beaucoup plus macabre que je ne le souhaitais :

- Salut.

Jim lève aussitôt la tête :

- Bonjour, Harmony.

Il a l'air content de me voir, j'en suis soulagée.

Il est en train d'enfiler son caleçon, et n'est en aucun cas gêné par ma présence. Quand on vit la mort ensemble, l'intimité et la pudeur n'existent plus.

Je remarque un énorme bandage ensanglanté enroulé autour de son épaule.

- Tu vas mieux ?

- Beaucoup mieux, merci.

Il exécute un sourire qui se transforme malgré lui en grimace, à cause des élancements de douleur dans sa déltoïde :

- Assieds-toi, je veux tout savoir. Q'est-ce qu'a-dit Maru ? A-t-il parlé de Carmen ? Et du cycle trois ?

Je reste bouche bée par ses interrogations.

Personne ne l'a mis au courant.

- C'est la fin, Jim, même pour Karl. Les juges ont eu la magnifique idée de décimer notre génération en nous envoyant mourir sur un terrain d'une trentaine de kilomètres, au beau milieu de mutants.

Son sourire disparaît automatiquement.

-Des mutants ?! C'est une mauvaise blague ?

- J'ai une tête à faire des blagues ?

-Mais les juges, ils s'aperçoivent bien qu'on a aucune chance de survivre dans ce cas ! Alors pourquoi ils font ça ?

- Je crois savoir. Ils souhaitent justement que nous mourions. Hier soir, à la grande table, j'ai cru entendre l'hologramme du ministre annoncer que la population avait de nouveau fortement augmenté malgré l'instauration des quatre Cycles. Ils veulent absolument nous faire mourir, tu comprends ?

Il ne me répond pas, son teint est devenu livide.

-C'est trop injuste, balbutie-t-il. On a survécu jusque-là, c'est vraiment trop injuste.

Nous nous taisons un moment.

-Tu sais quoi ? je lui lance soudain.

Il lève son visage vers moi et passe sa main dans ses cheveux roux pour les renvoyer en arrière d'un air inquiet.

- Il faudrait qu'on réussisse à survivre tous les quatre. Ça leur ferait les pieds à ces salauds de juges.

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