Chapitre 14 : Piège

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Je me plaque à terre, entraînant Carmen dans ma chute. Celle-ci s'étale de tout son long à mes côtés, et mon menton touche violemment le sol.

Les vingt flèches se plantent dans le mur d'en face.

Une catastrophe n'arrivant jamais seule, le mur commence à s'effondrer partiellement, et une nuée de plâtre s'écroule sur nous. Le visage blanchâtre, de la poussière s'infiltrant jusque dans mes narines, je crache et tousse pour éclaircir ma trachée. Au même moment, l'un de nous pousse un cri.

Je me relève et me met directement en position de défense.

Qui sait si une autre attaque organisée ne va pas nous achever dans quelques secondes ?

Cependant, je constate très vite que le risque s'est atténué temporairement.

Il n'y a plus que Carmen qui se lève en hochetant, le visage couvert de plâtre, Karl qui s'est protégé derrière l'escalier, William qui s'est collé au mur juste à temps, et Jim dont le sang perle sur le sol, une des lances enfoncée dans son épaule.

Karl réagit plus vite que moi. Il enlève immédiatement son tee-shirt et le colle contre sa blessure.

Jim devient tout pâle.

- Enlève la lance de son épaule ! conseille William.

-Surtout pas ! je m'exclame, les bras levés. Cela...cela pourrait toucher un organe vital !

Karl hoche la tête d'un air compréhensif. Véritable guerrier, il sait ce qu'il fait.

Nous faisons asseoir prudemment Jim contre le mur et lui parlons pour le maintenir conscient.

Je me demande s'il va mourir.
Est-ce que cela me rendrait triste ?

Je l'ignore. Je n'ai pas envie qu'il meure, c'est tout. Il m'est bénéfique : je ne connais Jim que depuis quelques jours à peine, néanmoins il est le seul qui puisses me donner envie de survivre.

- De l'eau, supplie-t-il presque inaudiblement, les yeux laiteux. De l'eau...

- Vous croyiez que c'est une bonne chose de donner à boire à un blessé ? questionne William, pensif.

- Peu importe, grogne Karl en soutenant le visage de Jim. C'est risqué, mais c'est la seule chance de le maintenir en vie.

J'échange un regard interrogatif avec Carmen, puis décide :

- Carmen et moi, on va aller voir s'il y a de l'eau dans l'étage. Vous deux, restez près de Jim et parlez lui. À mon avis c'est la seule chose qu'on puisse faire pour le maintenir éveillé. S'il tombe dans les pommes...c'est foutu. Les juges du Cycle viendront et ce sera fini pour lui.

Karl fronce les sourcils, suspicieux :

- Comment tu sais ça, toi ?

La phrase reste coincée dans ma gorge.

Je revois dans mon esprit l'image très claire de mon frère poignardé lors du combat constituant son premier cycle. À l'époque, les épreuves étaient télévisées et mes parents, terrifiés, écoutaient la télévision chaque jour, chaque heure, chaque minute, avec des yeux humides et craintifs.

Je revois mon frère tomber, inconscient. Au même moment, les juges, derrière leurs écrans, surveillaient de près l'avancée de la situation.

Je me rappelle les avoir vu venir par hélicoptère afin de lui arracher la vie. Tout cela en une minute.

- Harmony ! Hé ! Tu es avec nous, là ?

Je reviens brusquement au présent, encore horrifiée par la vision de ces douloureux souvenirs.

Jim ne perd presque plus de sang grâce au point de compression de Karl, mais demeure plus pâle que jamais.

Carmen et moi partons immédiatement en courant. Dans notre course, j'explique à Carmen ma compréhension de la plaque "3, 25".

Selon moi, il faut marcher sur les trois dalles du couloir de gauche, puis sauter à droite et continuer sur vingt-cinq pas.

Il se trouve que j'ai vu juste, et nous arrivons bientôt dans une énième pièce inconnue. Grâce au mobilier qui la constitue, je devine que c'est la cuisine commune de l'immeuble.

Une gazinière poussiéreuse gise à côté d'un micro-ondes entrouvert. Je me rappelle facilement du nom de cette machine mais pas de son utilité. Normal, après tout, cette invention date de plusieurs centaines d'années.

Je continue mon inspection tout en pensant au temps écoulé depuis l'instauration de la loi des cycles.

Se peut-il qu'il y ait de l'eau ici ?

Carmen va pour allumer l'interrupteur, mais j'arrête son geste imprudent in extremis. Les interrupteurs, comme les fenêtres, sont sûrement piégés.

Dans un tiroir quelconque, je trouve un paquet de biscuit neuf, probablement placé ici par les juges.
Je me retourne pour annoncer la bonne nouvelle à Carmen, celle-ci s'étant accroupie pour fouiller dans un placard à l'opposé de ma position.

Subitement, je perçois un cliquetis semblable au déverrouillage des lances.

Brusquement, une trappe au sol s'ouvre dans toute sa longueur. Je n'ai rien le temps de faire, pas même crier.

Carmen tombe fatalement et la trappe se referme aussitôt.

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