Chapitre 19 : Oxygène

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À peine deux secondes plus tard, je m'insère sans hésitation dans le conduit et glisse difficilement à l'intérieur. Je tourne la tête sur le côté, me cognant contre la paroi métallique, et entraîne d'un signe du menton les autres à suivre le mouvement.

Le froid qui règne dans le souterrain attaque peu à peu mes lèvres gercées, et la peur me partage sa chaleur angoissante.

Des douleurs s'élancent dans ma mâchoire, datant de ma chute pendant l'attaque des lances. Ce moment me paraît terriblement lointain, comme une autre époque. Une époque où Carmen vivait encore...

Le passage s'élargit de façon surnaturelle. Je peux maintenant aisément me relever, et en profite pour chercher une quelconque luminosité sans vraiment de conviction. L'obscurité demeure tellement lourde que je sens mon coeur tambouriner de plus en plus vite contre ma poitrine.

William me jette parfois des coups d'oeils intrigués, voire effrayés. Je fais comme si je ne le voyais pas, car, après tout, j'ai d'autres chats à fouetter que de m'occuper de ses soucis personnels. Comme sortir de cet immeuble, par exemple.

Je n'ai bientôt plus aucune idée de l'endroit où nous nous situons.

Sommes-nous déjà sortis, ou vagabondons-nous encore dans les étages ?

Qui sait quel piège diabolique peut se cacher dans ce passage ?

Sommes-nous vraiment sur le chemin de la sortie ?

Stressée, j'appuie une énième fois sur mon bracelet électronique afin de connaître le temps qu'il nous reste :

"Dix heures, vingt-sept minutes et trente secondes."

Le passage s'est à nouveau rapetissé, et depuis quelques minutes le manque d'air m'obscrue les poumons, lentement, comme une maladie infectieuse qui se propage peu à peu dans le corps en me rongeant la trachée.

Une longue sueur froide coule contre ma tempe. J'ai peur du silence, du sifflement du sang dans mes oreilles. Heureusement, d'une certaine façon, le souffle rauque de Karl derrière moi me rassure.

J'ai mal aux coudes et aux hanches à force de ramper. Je me demande si je reverrai un jour le ciel.

Un poignée de terre s'écroule soudain sur mon visage, et je me mets à tousser de plus belle, inspirant de grandes bouffées d'air inexistantes. En cet instant, s'il n'y avait pas eu ma vie en jeu, je serais immédiatement retournée dans l'immeuble le plus vite possible. Je pense qu'il vaut mieux tomber dans une trappe et mourir docilement sous les coups de feu de Maru, que finir ensevelie sous la terre comme nous quatre.

Ah oui ? Vraiment ?
Seuls parmi le monde. Enterrés vivants, quelle horreur !

J'envie presque Carmen.

-Aïe !

Jim vient de crier de douleur. Je ne me retourne pas et continue d'avancer. Et soudain, je m'arrête.

- Quoi encore ? me lance Karl en distinguant mon corps immobile à quelques mètres de lui.

- Des barreaux. Il faut monter.

Ajoutant les gestes à la parole, je lui montre le chemin à suivre. Mes pieds tremblent tandis que je monte les échelons, et mes mains terreuses glissent contre le métal cylindrique.

Rapidement, je parviens à la bouche d'évacuation, scellée par une soudure rougeâtre. Karl, juste en dessous, me lance alors un objet coupant que j'attrape douloureusement. Quelques gouttes de sang tombent de mes doigts et je m'efforce de contenir ma douleur.

Grâce à ce canif, je parviens à couper la bouche d'évacuation de façon circulaire, avec un certain entrain, et une bouffée d'oxygène m'assaille.

Puis une deuxième.

J'ai l'impression de revivre.

Nous sommes sur le toit de l'immeuble, et mes yeux papillonnent pour s'habituer à autant de clarté inhabituelle.

Jamais cette odeur de pollution ne m'avait fait autant de bien.

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