Chapitre 1 : Inscription

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Je suis violemment poussée par deux gardes dans une cellule sombre et angoissante. Je ne connais pas cette endroit et je ne veux pas qu'il devienne familier.

La lumière des néons positionnés au plafond se reflète dans les pupilles noires de l'homme qui m'attend, assis sur la seule chaise de la pièce. Son visage reste de marbre, sans aucune émotion. Je reste debout, docilement, alors les deux armoires à glace se décident enfin à partir. Ils me laissent seule avec mon destin. Je connais déjà sa nature, mais mon subconscient refuse de se rendre à l'évidence.

On nomme cela l'espoir.

L'homme aux sentiments impénétrables me fixe. Il commence à me mettre mal à l'aise. Je piétine sur place pour ne pas le laisser sous-entendre que je vais rougir. Il commence alors à parler, d'une voix ferme et grave, en détachant chaque syllabe :

- Ton nom ?

- Harmony Winston.

Je vois qu'il l'inscrit rapidement sur un appareil numérique. Je ne cherche même pas à comprendre ce qu'il fait.

-Tu as seize ans depuis combien de temps ?

-Deux mois.

Il écrit rapidement sur sa machine technologique. Je vois bien qu'il a l'habitude, il est désigné à cette tâche chaque année, mais ça n'a pas l'air de l'embêter. Au contraire, j'ai l'impression que ça ne lui fait ni chaud ni froid.

J'ai même le temps d'imaginer le nombre d'adolescents qui est entré dans cette salle, et par conséquent le nombre presque égalitaire de morts, à peine quelques jours plus tard.

Je me souviens surtout de mon grand frère, de sa posture, de son visage. Il y a deux ans, il est entré comme moi dans cette salle et a dit son nom. Puis, aussi simple et répugnant que cela puisse paraître, il est mort une semaine après son inscription.

Je refoule ces pensées noires lorsque l'homme s'adresse de nouveau à moi :

-Dans quel domaine te sens-tu forte et courageuse ?

Je tourne mon visage effondré vers l'homme, réfléchissant à la raison d'une telle question.

Je suis assez endurante, il est vrai, grâce aux entraînements de course passés avec mon père. Cependant, je ne sais pas du tout si cela me rend pour autant courageuse, peu importe.

-La course d'endurance, soufflai-je.

-Bien, et tes qualités ?

Je prends mon temps pour répondre, je vois qu'il attend de moi une réponse précise et concise. Ses paupières sont à demi-closes, ses doigts viennent cogner la table en un rythme insupportable. Je n'arrive pas à me concentrer, ce bruit me tape sur le système.

Je me rends compte que je ne me suis jamais posé la question de ma personnalité et de mes capacités morales et physiques.

- La détermination.

- Et tes défauts ?

Vivement que cela se termine, ce véritable interrogatoire ne me dit rien qui vaille.

- Je suis...heu...assez sensible.

C'est complètement faux, évidemment. Depuis que mon frère est mort, on ne peut pas battre ma force morale, je suis devenue une vraie reine de la glace.

Ses articulations de mains pianotent quelques secondes contre l'écran, puis :

- Tu peux passer dans la salle d'à côté. L'opération a réussi, ton inscription a été archivée.

J'acquiesce machinalement d'un signe de la tête. Mes pieds me portent jusqu'à la salle suivante, mais je sais que mon cerveau veut rester dans l'autre pièce. Pourquoi ? Pour pleurer.

Dans la salle suivante se trouvent les autres participants, les autres prétendants à la mort.

4CyclesWhere stories live. Discover now