Chapitre 1 : L'arrivée

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« Anju ! Dépêche-toi, le taxi va arriver ! »

Ma mère m'appelait encore, ne faisant qu'alourdir ce poids dans ma poitrine. Pouvais-je ne serait-ce que l'appeler encore ma « mère » ? Renier son enfant, refuser qu'il demeure désormais dans sa maison ou qu'il n'entre en contact avec elle seulement parce qu'on lui avait découvert des pouvoirs et que les gens nous évitaient, ce n'était pas l'attitude qu'une mère exemplaire aurait.

Pourquoi ne s'était-elle pas battue pour me défendre ? Pour m'accepter ?

Il n'y avait pas qu'elle d'ailleurs...

Je devais partir car les gens avaient peur de moi. Mon père m'avait placée dans une famille dont je ne savais rien si ce n'est qu'il y a six garçons et que leur père m'accueille sans crainte. Dans un sens, j'espérais y mener une existence plus tranquille, loin des regards effrayés, du stress constant, de ces rejets perpétuels.

Dans cette boucle sans fin qu'était ma vie, mon morne quotidien s'était répété depuis « l'apparition » de phénomènes inexpliqués chez moi. On m'avait qualifiée de nuisible, monstre, enfant du diable, on m'avait insultée, rabaissée constamment, j'étais une cible facile pour un déversoir de haine. Certains imbéciles avaient même tenté de me tabasser, mais n'étant pas du genre à me laisser faire, j'avais riposté pour me défendre. Finalement, j'avais été renvoyée de mon école.

Mais je n'avais pas demandé à avoir ces pouvoirs, à être ainsi traitée ! J'avais dû faire avec en apprenant à les maîtriser, aussi étranges et immoraux soient-ils. Désormais je pouvais choisir quand je les activais et j'essayais de canaliser au mieux mes émotions.

Je sortis de mes pensées après un énième cri de ma mère, m'intimant de me « bouger rapidement le cul » au risque de me voir mise dehors à coup de bâton. Avec un soupir, je mettais ma cape sur mes épaules et descendis, valise à la main.

Je ne jetais pas un regard pour mes géniteurs avant de monter dans le taxi. Je sentais mon cœur se briser, toutes ces années de tendresse et d'amour de parents à enfant étaient-elles du vent ? Mon existence comptait-elle vraiment à leurs yeux ? Ces souvenirs gais, ces sourires tendres, ces câlins réconfortants, ces mots touchants, ces attentions encourageantes, ces promesses qu'ils ne tiendront jamais... Finalement tout n'était qu'un mensonge, une comédie ringarde.

Les paysages défilaient, m'éloignant de mon ancienne demeure, m'arrachant une part de moi-même. Dans ce taxi, qui représentait plutôt un élément charnière de ma nouvelle vie à présent, je me fis une promesse. Celle de changer ce côté nostalgique d'une vie passée, de gagner en confiance, d'être plus joyeuse et de cesser de me jouer des autres lorsque je suis stressée.

Quand bien même cela serait difficile, j'avancerai pas à pas.

Le plus dur était de contrôler ce côté défiant lors de ma première rencontre avec les six garçons.

Une fille et six garçons, j'avais tout intérêt à m'imposer sans me mettre dans des situations délicates.

Je réfléchis alors à ma condition et souris vaguement. Mes pouvoirs peuvent-être dangereux, mais au moins je ne buvais pas de sang, je n'étais pas complètement un monstre !

Dans mon désespoir, je laissai un petit rire m'échapper, m'attirant un regard intrigué du conducteur à travers le rétroviseur.

« Mademoiselle, nous arrivons au manoir Sakamaki. Je vous dépose ici. »

Après avoir remercié brièvement le chauffeur, et l'avoir payé, je pris mes affaires et m'avançais vers le manoir.

Je détaillais l'immense bâtisse, le jardin à perte de vue, l'atmosphère assez glauque. Un frisson me parcourut de haut en bas. « On dirait un domaine de film d'horreur ! » me dis-je alors.

À travers ses yeux (Diabolik Lovers)Where stories live. Discover now