Chapitre 40.

1K 49 0
                                    

Le peu d'espace que contient l'ascenseur empêche nos deux corps de se toucher. Un silence rompu par les bruits mécaniques de la vieille machine me permet de réfléchir à autre chose qu'à ma situation avec Jessica. Je ne veux pas faire face à Jessica, ni à Mathias, ni à Yoan. C'est le cliquetis des portes de l'ascenseur qui me sort de mes pensées. Nous sommes arrivés à l'étage en question. Ariana engage le pas et je la suis. Elle ne regarde aucun numéro sur les portes nous environnant pour se repérer, prouvant sa forte connaissance des lieux. Elle s'oriente d'un pas vif vers une porte en particulier et s'arrête lorsqu'elle arrive devant. Ariana se tourne vers moi, me jette un regard traduisant son appréhension puis frappe à la porte de son petit point fébrile. Un grognement humain survient de l'autre côté du mur, suivi d'injures. Ariana frappe de nouveau et cette fois-ci, des pas, à en faire trembler les murs. Un instant plus tard la porte s'ouvre sur un homme à l'allure douteuse. Son regard vitreux traduit aussitôt qu'il est ivre. Sa tenue se limite au port d'un t-shirt blanc taché et d'un vieux caleçon.

-Quoi ? bredouilla-t-il, en nous fixant.

-Je suis venue prendre quelques affaires. déclara Ariana, d'un ton qu'elle maintient déterminé.

-Des affaires ? Tu n'as plus d'affaires ici ma p'tite. répliqua le père d'Ariana, accompagné d'un vieux rictus infâme.

-Je ne vais pas te déranger longtemps, je viens juste prendre deux-trois affaires et je m'en vais.

-Tu oses te repointer ici ! Chez moi ! Tes affaires ? Mais c'est chez moi ici ma p'tite fille ! Tu n'as plus rien à faire ici et si je revois encore ta tête une seule fois... s'écria-t-il, en haussant le ton.

-Vous devriez sérieusement la fermer si vous ne voulez pas que je vous écrase la gueule sur le mur. sortis-je d'un ton froid et menaçant, malgré moi.

Le père d'Ariana s'interrompt et me fixe, incrédule. Ariana regarde en alternance son père et moi, appréhendant la suite. Je ne sais pas pourquoi j'ai dis ce que j'ai dis. Mais je ne pouvais pas laisser ce clochard parler à Ariana comme ça.

-Tu dis quoi toi là ? fit-il, en avançant d'un pas et bombant le torse de manière ridicule.

-Vous devriez nous laisser prendre ces affaires et nous laisser nous en aller, ou sinon je pense que vous ne pourrez plus rien faire du tout. ripostai-je, du même ton, sentant ma colère monter à petit feu.

Le père d'Ariana serre ses poings, me scrute de ses yeux rouges et semble entreprendre de me donner un coup de poing dans la figure. Je m'en rends compte à tant pour esquiver et le laisse retomber de l'autre côté puis lui donne un véritable coup de poing. Ce qui lui retira des gémissements. Des gouttes de sang coulent maintenant de son nez.

-Sale fils de pute ! hurla-t-il, tout en s'essuyant le visage avec son t-shirt.

Je m'apprête à lui redonner un autre coup par simple reflex mais je suis arrêté dans mon élan par Ariana.

-Dereck, s'il te plaît. lâcha-t-elle, tout en posant sa main sur mon épaule.

-D'accord... finis-je par dire, même si l'envie me prit fortement de continuer.

Ariana s'engage dans l'appartement de son père et je la suis. Elle s'oriente ensuite vers une porte en particulier que je suppose être sa chambre. Elle y disparaît tandis que je fais un tour des lieux. Je m'abandonne dans le salon où se trouve des canapés en dessous d'une montagne de cochonneries et de vêtements. Je soupire à la vue de tous ces sous-vêtements sales gisant sur le sol à côté de la télévision. Soudain, mon regard se pose sur un visage qui ne m'est pas inconnu. Je m'approche davantage du meuble en question et m'aperçois qu'il s'agit d'une photo de famille. Le cadre est beau, mais la vitre cassée gâche la photo qui se cache en dessous. Je  m'en empare et fixe ces trois personnes au visage heureux dont l'une est Ariana. Elle est métamorphosée. De longs cheveux blonds bouclés entoure son visage d'enfant joyeuse. Elle semble véritablement heureuse là-dessus.

-Qu'est-ce que tu as trouvé ? survint tout à coup la voix d'Ariana, me faisant sursauter.

-Tu m'as foutu la trouille ! Préviens quand tu es là. répliquai-je, un peu embarrassé d'avoir eu peur.

-Ah ah ! Dereck Hadisson n'a vraisemblablement jamais eut peur de sa vie.

-Il faut une première fois à tout, n'est-ce pas ?

-Tout à fait. Qu'as-tu trouvé alors ? Oh. fit-elle, en s'apercevant de ce que je tenais entre les mains.

-Est-ce que c'est ta mère ? Tu lui ressembles. dis-je, en parlant de la femme aux cheveux blonds également.

Ariana me fixe, lève les yeux au ciel puis s'empare de la photo qu'elle balance à l'autre bout de l'appartement.

-Eh ! m'écriai-je. Pourquoi t'as fait ça ?

-Si tu n'as plus rien à regarder, pourrait-on y aller ? déclara-t-elle, d'un ton sec.

J'hésite un instant, puis m'engage vers la porte d'entrée où gise le père d'Ariana, le nez encore ensanglanté. J'entends les pas d'Ariana derrière moi et avance vers les escaliers au lieu de l'ascenseur. Je sors ensuite de l'immeuble sans me préoccuper de savoir si elle me suit et rentre dans ma voiture. J'enclenche ma clé et démarre le moteur. Je lâche ensuite un long et profond soupire, à l'intérieur de ma voiture, avant qu'Ariana n'entre à son tour et s'installe sur le siège passager. Elle paraît froide lorsque je jette un regard en sa direction.

-Désolé, Ariana. dis-je, simplement et sans n'avoir de raison.

Elle fixe l'horizon devant elle. Elle ne dit rien pendant un instant, puis soupire.

-Ne le sois pas, c'est moi. fit-elle, en secouant la tête. Je suis désolée d'avoir pété un câble là-haut.

Elle a tourné sa tête vers moi, et me fixe d'un regard peiné.

-Je comprends, Ariana.

Nous restons silencieux un moment ensuite, sans rien faire, à part nous regarder l'un l'autre. Notre contact visuel prend une atmosphère étrange tout à coup. Je ressens comme une gêne intense à la fixer, dans les yeux. Je romps alors ce moment et appuis sur l'accélérateur. Je conduis jusqu'à l'hôpital et me gare au parking public. Nous sortons tout les deux de la voiture et nous empressons de nous diriger vers l'établissement. Nous entrons et ce même sentiment de mort me remplie le corps. L'odeur de l'hôpital est insoutenable, je me demande bien comment font les patients pour vivre ici. J'avance vers l'accueil où se trouve une déjà une dizaine de personnes en attente. Je lance un regard à Ariana et nous soupirons en même temps. Nous nous dirigeons malgré tout vers cette longue queue et commençons à patienter derrière une jeune femme à la chevelure familière. En l'analysant de plus près, je me rends soudain compte qu'il s'agit de Jessica. J'amène ma main à mon front et commence à gesticuler. Il ne faut pas qu'elle se retourne, me dis-je. Je commence à prier intérieurement pour qu'elle ne me voit pas lorsque la voix d'Ariana me ramena à la merdique réalité.

-Dereck, tu vas bien ? s'enquit-elle.

Et le malheur se produisit. A l'énonciation de mon prénom, Jessica qui se retourna.

chasse gardée.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant