Chapitre n°1 <OK>

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Tout commence dans une magnifique petite chambre étroite du treizième arrondissement de Paris. Dans cette pièce où un faible rayon de lumière filtrait par la persienne de l'unique chambre du second étage, où douze petits lits défaits étaient vidés de leurs occupantes, une douce respiration perturbait le silence matinale des bons mois de juillet. Il s'agissait de ma respiration. Ayant glissé avec élégance de mon petit lit pour rejoindre le sol, j'étais étalée telle une merveilleuse étoile de mer sur le parquet vieux et craquant du dortoir, avec seulement  une minuscule couverture miteuse pour me séparer de la froideur du planchet. À peine recouverte d'une toile en guise de chemise de nuit, je profitais de mon sommeil réparateur sans me soucier de l'humidité ambiante qui régnait dans la pièce, au point d'en faire se décoller le papier peint jaune pisse par endroit. L'humidité ne me dérangeait jamais, sauf lorsque, regroupée sous forme liquide dans une énorme bassine de trois litres, elle me réveillait en sursaut me faisant frôler la crise cardiaque. Ce qui, voyez vous, était le cas de ce matin. 

Alors que je me rêvais, lapin, trottinant dans la prairie, un fleuve surgit de nulle part, noyant les arbres printaniers pour les troquer contre le plafond délabré de la chambre d'orphelinat. Battant comme à mon habitude un record du monde de vitesse de réflexe, je me redresse droite comme un piquet et regrette mon faible accoutrement qui va me coûter un sacré coup de froid. Pas besoin de chercher bien loin l'auteur de ce crime affreux qui est de réveiller un être d'un magnifique rêve. En effet, à travers le rideau d'eau que forme mes cheveux châtains, je perçois un sourire noir carnassier et dégarni. En me jetant violemment la bassine que je rattrape de justesse, Nani se saisit de mon réveil et le braque devant mes yeux encore à moitié endormis. 

"Eh bien ma jolie, on ne sait plus lire l'heure?" crache la gouvernante avec mépris. " Ces trop nombreuses heures de sommeil t'enlèvent de l'intelligence à ce que je vois. Peut-être devrais-tu travailler d'avantage pour occuper un peu plus tes journées? Qui sait, peut-être qu'avec un emploi du temps plus rempli tu passeras moins de temps à rêvasser". 

Pour ponctuer ses menaces sans queue ni tête, elle propulsa de nouveau le réveil qui affichait 7h10 dans ma direction. Cette fois ci, je dû me courber en arrière afin de le réceptionner, et lorsque je me redressais, Nani et son dos bossu de vieille mégère avaient disparus. Pas pour très longtemps si je ne m'active pas, songeai-je. Posant le contenu de mes bras sur le sol, j'entrepris de me relever en dégageant le draps qui bloquait mes mouvements. Remettant en place et ordre mon lit, je posais le réveil sur le tabouret qui me faisait office de table de nuit, y mis dessous la bassine et partie réordonner les onze autres lits de la chambre. 

Être l'ainée de l'orphelinat n'est pas souvent très simple. Bien que petit, il demande beaucoup de travail et les autres pensionnaires sont beaucoup trop jeunes pour être associées à des tâches aussi dures et ingrates que le repassage, lavage et autres tâches ménagères. Devoir accomplir toutes ces dernières seules n'était pas de tout repos, d'autant plus qu'en parallèle je travaillais à mis temps dans d'autres établissements qui acceptaient généreusement d'embaucher une jeune fille mineure. 

De toutes les filles de mon âge ayant vécues à l'orphelinat, je suis la seule à y être restée. Trop caractérielle et brune aux yeux des adoptants, j'avais dû me faire à l'idée que je ne partirais pas d'ici avant mes dix-huit ans. Lorsque j'étais plus jeune, l'orphelinat était gouverné et tenu par le père Henri qui m'avait trouvé dans une ruelle non loin d'ici. Caractérisé privée, j'y avais vécue un début d'enfance doux et paisible dans un cadre religieux prônant le respect et la tolérance. Mais cela n'avait pas duré. Hélas le père Henri, à mes huit ans, était décédé de vieillesse  et l'ordre religieux à qui appartenait la bâtisse l'avait revendu à l'Etat. Trois jours plus tard, les soeurs avaient plié bagages et Nani et sa "bonne humeur" étaient apparues. Comprenant que j'étais la dernière de mon âge, elle avait fait de moi son larbin et me faisait accomplir toutes les tâches ingrates sans se soucier de l'effet que cela pouvait avoir sur ma santé physique et mentale. C'est dans ces moments là où, prise d'une certaine envie de tuer, je repense à mes parents. Ces êtres, mes géniteurs... je me dis que Dieu est juste et qu'il me vengera auprès d'eux pour le calvaire que je vis ici. Ils ne voulaient pas de moi, soit, je n'avais pas besoin d'eux. Mon seul regret est l'absence de lettre justifiant leur action. 

SL- Lumière, moteur... action!Where stories live. Discover now