21. RENAISSANCE

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"Tiens, mon soleil s'est levé," murmure Pablo, la voix tremblante.

Dès que j'ouvre les yeux, ils rencontrent les siens. Pablo est assis à mes côtés, inconfortablement perché sur le bord du matelas. Il a l'air fatigué. Épuisé, même. Ses yeux sont rouges et ne cessent de se fermer sous le poids du sommeil. Il étouffe ses bâillements toutes les trois secondes, et ses rides semblent si profondes, c'est comme s'il avait vieilli de quelques années en l'espace d'une nuit.

"Il est quelle heure ?" je demande.

"Six heures et demie. Ça fait quinze heures d'affilée que tu dors," dit-il, souriant timidement. "En tout, ça fait presque deux sommeils réparateurs tout entiers."

"Cool, alors ça veut dire que je suis doublement réparée," je glousse doucement.

Il me gratifie d'un gentil sourire qui ne dure pas plus d'une seconde, avant que son regard fatigué ne se perde entre les lattes du plancher, et que son pouce tremblant ne caresse la paume de ma main.

Pendant une seconde, je me demande si tout cela n'était qu'un cauchemar. Peut-être que je me réveillerais bientôt et finirais une autre journée au bord de la piscine, à siroter un gin à la mangue, au lieu de faire face aux conséquences de mes propres actions.

Mais hélas, la douleur aiguë dans mon bras, comme une ligne de feu qui va de mon coude à mon poignet, me dit que ce n'est pas juste un mauvais rêve. Je grimace, et gratte les pansements collants, tachés de sang sur mon bras gauche, qui tirent sur ma peau endolorie.

"Calme-toi, Gordita. Tu vas arracher tes points de suture, si tu continues," dit Pablo. Il pose sa main sur mon front pour vérifier ma température, et passe ses doigts dans mes cheveux pour les éloigner de mon visage. "Comment tu te sens ?"

"Ça va. J'ai un peu mal, mais c'est tout." Je regarde mon bras et balaye d'un geste léger la tragédie de la veille, comme si ce n'était rien qu'une petite égratignure. "Et toi ?"

Il pince les lèvres mais ne répond pas. Il se contente de fixer le néant, et la petite pile de poches de sang vides étalées sur ma coiffeuse.

"Tu t'en souviens, d'hier soir ?" demande-t-il.

Je hausse les épaules. "Pas vraiment."

Je me souviens un peu de ce qui s'est passé dans la baignoire, jusqu'à ce que Oso et le médecin reviennent dans la chambre et essaient de me soulever. C'est au moment où on m'a arrachée des bras de Pablo que tout est devenu flou.

Après ça, tout ce dont je me rappelle, ce sont quelques fragments confus. Des visages inconnus penchés au-dessus de moi, des yeux anonymes fixant dans les miens. Des cris, des voix qui se disputent, mon propre nom qu'on répète et qui résonne dans ma tête. Des lumières aveuglantes, des taches rouges et blanches, et enfin, l'étouffante emprise des ténèbres.

"Tant mieux. C'était pas beau à voir," murmure Pablo.

"Je sais," je chuchote. "Je nageais en plein bad trip. J'ai même vu le visage de ma mère. Je l'entendais me parler. Ana était là aussi."

"C'était pas une hallucination, ça," chuchote-t-il. "Je l'ai entendue aussi."

Je tourne la tête si vite que je sens mon cou qui craque.

"Quoi ?"

"Elle est partie hier soir. Quand ils l'ont sortie de la pièce, elle s'est mise à paniquer. C'est ça, ce que t'entendais," explique-t-il, en se mordant la lèvre. "C'était pas que dans ta tête."

"Elle est où maintenant ?" je demande.

"À l'heure qu'il est, elle doit déjà être en route vers chez elle," il soupire, jetant un coup d'œil à la montre en or à son poignet.

Drogues, Trahisons et Autres DémonsWhere stories live. Discover now