20. OVERDOSE

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"Qu'est-ce que tu fais ?" demande Pablo.

Sa question flotte dans l'air comme la lame d'une guillotine, sur le point de tomber et de me couper le cou. Son ton est glacial, tranchant comme de l'acier. S'il m'avait demandé de prononcer mes derniers mots, j'aurais ressenti la même chose. Mon cœur chute dans ma poitrine, mes lèvres tremblent et ma gorge se serre.

"Je, euh, je suis en train de m'échapper," je réponds.

Les lèvres de Pablo se courbent en un léger sourire, mais le reste de son visage reste stoïque. Il n'y a pas de fossettes sur ses joues, pas de rides au coin de ses yeux, juste une veine qui surgit de son menton quand il serre trop la mâchoire.

Ses yeux brûlent de toute la colère qu'il réprime. Ses doigts se resserrent autour des verres qu'il tient encore, avec tant de force que ça en blanchit sa peau.

"Tu veux pas finir ton cocktail, d'abord ?" dit-il en se mordant la lèvre.

Je secoue la tête, sans un bruit. Le temps s'est arrêté, comme s'il avait en lui bombe à retardement, que le compte à rebours était arrivé à zéro, mais rien ne s'était encore passé. On attend tous les deux l'explosion, murés dans le silence.

Ça me rappelle un peu la première fois qu'on s'est rencontrés, dans le sous-sol. Je suis face à face avec Pablo, immobile, à me demander combien de minutes, combien de secondes il me reste avant qu'il ne me tue. La seule différence, c'est qu'il semble moins sûr de lui, moins arrogant qu'il l'était ce jour-la. Maintenant, il a l'air plus déçu que furieux, plus brisé qu'enragé.

"T'iras pas très loin," murmure-t-il, en me toisant de haut en bas. "Habillée comme t'es."

Il fait un pas en avant, et je recule de deux. Le froid du mur en béton froid presse contre la peau nue de mon dos et frappe l'arrière de mon crâne déjà étourdi. Je me sens comme prise au piège, et cette fois, c'est dans une cage que j'ai moi-même bâtie.

Si seulement j'avais pas eu cette idée débile, si seulement j'avais pas tenté de m'échapper, je serais encore tranquille à flotter dans la piscine, sirotant mon gin sur un fond de musique latine à vivre la vie que Pablo pense que je mérite. Mais j'ai passé ma chance.

Je hausse les épaules, Pablo m'imite. Son regard implacable me transperce avec la force de mille, et je reste figée sur place. J'ai l'impression que c'est un mauvais rêve. Comme quand t'essaies de crier à plein poumons, mais tout ce qui sort de ta gorge c'est un couinement rauque. Comme quand t'essaies de courir, de fuir le danger, en vain, et la seule chose a laquelle tu parviens c'est de t'emmêler dans tes draps.

Boucle d'Or est perdue dans les bois, face à face avec un Papa Ours assoiffé de sang. Pauvre petite Boucle d'Or. Elle sait plus si elle doit se battre, s'enfuir, ou juste se coucher par terre et faire semblant d'être morte.

Les secondes s'écoulent lentement. Ses sourcils se froncent un peu profondément. Mon cœur s'accélère, incontrôlablement. Les mots et les émotions bouillonnent au fond de ma gorge, un tourbillon acride, comme une remontée d'acide. Pourvu que ce cauchemar se termine.

Je réponds, haletante, entre deux pénibles bouffées d'air. "Je crois que je vais juste retourner dans ma chambre."

Pablo me regarde alors que je m'éloigne, les lèvres serrées, les bras ballants, un air stupéfait collé sur son visage, peut-être même impuissant.

Je fais peine à voir. Je tourne dans tous les sens, trébuche sur mes propres pieds, ne me souviens même plus dans quel sens je suis censée plier les genoux si je veux aller de l'avant. Je sais qu'il faut que j'aille plus vite, que je disparaisse avant qu'il ne change d'avis, ou alors ne trouve une table pour poser nos boissons, libérer ses mains, et dégainer son arme.

Drogues, Trahisons et Autres DémonsМесто, где живут истории. Откройте их для себя