11. PAR LA FENÊTRE

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"Bonjour, Gordita !" s'exclame Pablo en entrant dans la pièce.

"Bonjour ?" je grogne. "Il fait presque nuit !"

Une fois de plus, il m'a laissée toute la journée, sans même une miette à grignoter, mis à part ce qui reste dans les plats ce qu'il a laissé pourrir dans ma chambre.

J'ai passé mon temps à tourner en rond comme un lionne en cage, a faire des squats et des petits sauts sur place pour faire circuler mon sang, me recroqueviller sur un coin de la coiffeuse pour regarder par la fenêtre, et voir s'envoler les derniers vestiges de ma santé mentale.

Et maintenant le voilà enfin, qui débarque dans ma chambre avec un sac en papier brun, de la boue collée sur ses bottes, puant le crottin, et avec un sourire débile étalé sur son visage.

"T'étais où ?" je demande.

Pablo sourit. "Je faisais du poney."

"Et t'as pas pensé a m'amener un petit-déjeuner ?"

"Non, pourquoi ?" Il fronce les sourcils. "Tu m'as appelé pour en demander un ?"

"T'aurais pas pu penser à moi ?" je rétorque.

Il roule des yeux, et en un soupir, laisse tomber son sac à ses pieds.

"Je peux pas penser à tout, Gordita."

Je cligne des yeux, perplexe. "Excuse-moi, mais t'as combien d'autres otages a qui tenir compagnie ?"

C'est pas que je suis jalouse. Rien à voir. J'ai pas besoin de son attention. Honnêtement, j'aurais préféré être en train de faire du yoga pendant que Kait et June me traitent de grosse vache, que de passer une minute de plus en compagnie de ce connard.

"Dieu merci, il n'y a que toi," il ricane. "Je pense pas pouvoir en supporter une de plus."

"Putain, c'est si difficile de venir me jeter un morceau de pain tous les matins ?"

"Putain, c'est si difficile d'être reconnaissante ?" il crache, pointant droit vers moi avec son doigt pointu et un jet de salive enragé. "Certaines de tes copines sont toujours dans le sous-sol, assises dans une flaque de pisse avec les mains attachées dans le dos, parce que leurs parents ne les aiment pas assez pour les sortir de là. Et toi aussi, tu serais toujours en bas, sans moi."

Il essuie sa bouche avec le dos de sa main. "Je t'ai sauvé la vie. Le moins que tu puisses faire en retour, c'est d'arrêter de me faire chier."

"Eh bien je suis désolée," je marmonne, levant le menton pour avoir l'air plus forte que je ne le suis vraiment, "mais je t'ai rien demandé, à la base. C'est toi qui as choisi de me garder ici."

"Alors qu'est-ce que tu veux de moi ?" il hurle.

La colère déforme et décolore son visage. Ses poings sont serrés, et son cou si tendu que je peux voir ses veines palpiter. Je sens mon corps qui se crispe, et me mords la lèvre pour l'empêcher de trembler.

J'ai l'impression qu'une tornade me fonce dessus, et que je n'ai nulle part où se cacher. C'est un sentiment d'impuissance, où tout ce que l'on peut faire, c'est rester là, à regarder par la fenêtre, à attendre que les vents touchent terre et dévastent tout sur leur passage.

"Tu pourrais au moins faire semblant d'en avoir quelque chose à foutre," je marmonne, alors que mon sang commence à bouillir. "J'ai rien à faire, rien à manger, rien à me mettre. Ma chambre est dégueu. Je sais pas quoi faire de mes vieux vêtements, des verres, des assiettes sales, et même des os de poulet que t'as laissé là il y a des jours. Ça pue la mort, ici."

Drogues, Trahisons et Autres DémonsOnde histórias criam vida. Descubra agora