12. BAD TRIP

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J'ai un brouillard dans la tête, un flou devant les yeux, et pourtant j'arrive bien à voir que la personne qui se tient dans ma chambre, ce n'est pas Pablo.

À sa place, je vois une femme. Une toute petite femme, probablement la plus petite que j'aie jamais vue, et dotée d'une beauté qui m'hypnotise.

Son corps frêle est délicatement enveloppé dans les plis éthérés de sa robe bleue. Sa peau cuivrée brille à la lumière des ampoules, et ses longs cheveux noirs sont attachés en une queue de cheval soyeuse, sans un seul frisottis qui dépasse.

Elle se tourne vers moi et son souffle se coupe. Elle recule d'un pas, si légère et délicate qu'on dirait qu'elle flotte. Et elle est minuscule. Tellement minuscule. Comme une fée.

"Je suis complètement défoncée," je murmure.

Ses yeux marron s'ouvrent grand, et elle sourit timidement, dévoilant son sourire imparfait, ses dents un peu tordues. Je lui souris en retour. Sa présence est apaisante, elle a une aura chaleureuse.

Ce qui est bien avec cette femme, surtout, c'est qu'elle n'est pas Pablo. Ou peut-être que si. Si c'est le cas, faut vraiment que j'arrête la drogue.

"Bonjour," dit-elle d'une voix douce et aiguë.

"Salut," je chuchote. "Est-ce que vous êtes... réelle ?"

Elle penche la tête sur le côté, et ses sourcils se courbent, l'air confus. Il faut que je reformule ma question.

"Est-ce que je suis la seule personne qui peut vous voir ?"

"Pardon ?"

"C'est chelou, comme question ?" je demande, en me mordant la lèvre.

La fille hausse les épaules, et sa bouche se tord d'un sourire gêné. "C'est la première fois qu'on me la pose, en tout cas."

Je hoche la tête pour faire semblant de comprendre ce qu'il se passe, même si je suis complètement perdue. "D'accord. Donc en général, les gens vous voient pas ?"

"...Non," répond-elle, hésitante.

"Non, les gens vous voient pas ou non, les gens vous voient ?"

Elle pince les lèvres. "Je crois que généralement, les gens peuvent me voir."

"Vous croyez ?" je gémis. "Putain, je capte que dalle."

Elle sourit timidement, et fait discrètement un pas en arrière.

"Donc vous êtes réelle ?" je lui demande à nouveau.

"Oui."

"Réelle, genre, humaine ?"

"Hm-hm," dit-elle en hochant doucement la tête.

Je fronce un sourcil, et la voix qui sort de ma gorge est beaucoup trop aiguë. "Et du coup... vous êtes qui ?"

"Votre femme de ménage," répond-elle.

Malgré son sourire bienveillant, elle a l'air très mal à l'aise. C'est pas surprenant, d'ailleurs, étant donné que je me tiens devant elle, trempée de la tête aux pieds, défoncée à l'acide, et surtout, toujours complètement nue.

"Ah. D'accord," je bafouille, pointant la porte derrière moi. "Je vais juste retourner là-dedans, alors. Euh... bisous."

Elle articule poliment un petit 'D'accord', et je recule lentement vers la salle de bains, le plus loin possible de la pauvre femme de ménage.

Je ferme silencieusement la porte et éteins la douche. Le rugissement de l'eau se calme, le silence résonne sur les murs caca d'oie. Je fixe mon reflet dans le miroir, la bouche et les yeux grands ouverts. Elle est tout aussi horrifiée que moi.

Drogues, Trahisons et Autres DémonsDove le storie prendono vita. Scoprilo ora