Des Yeux aux Coeurs [MxM]

Chapitre 18

Seulement trois cordages permettaient aux vigies d'atteindre le nid de pie. Les matelots qui avaient été engagés pour ce travail étaient, bien entendu, agiles et adroits. Très peu étaient ceux qui parvenaient à rejoindre la vigie, habilement et sans effort. Même s'il n'avait pas prévu de prendre ce poste, Elior y avait été engagé car la Capitaine ne doutait pas de sa condition physique. Il passait son temps à grimper de cordages en cordages et à se balancer entre les voiles, et ce même avant d'être éloigné de son poste de cartographe. Il avait même été flatté de savoir que la Capitaine lui faisait assez confiance pour cela.

Cependant, même avec toute l'agilité du monde, les vigies savaient que, sans cordage, il leur étaient à tous impossible de monter prendre leur poste. Et encore moins de descendre sans se briser la nuque.

Orion tenait toujours les cordages coupés nets entre ses mains, penaud et désemparé. En toute autre circonstance, Elior n'aurait pas manqué cette occasion pour taquiner son collègue. Mais devant la mine déconfite d'Orion, et suite à l'épiphanie qu'il avait eu la veille sur ses propres sentiments, il n'en avait pas le cœur. Il s'était lui aussi penché par-dessus la rambarde pour chercher de l'aide auprès de leurs camarades sur le pont. Il n'avait pu qu'apercevoir Sayan, le regardant fièrement et lui faisant un signe du pouce. Elior soupira.

C'était donc cela le plan brillant de son meilleur ami. Bloquer Elior et Orion à la vigie pour les forcer à discuter. Elior ne pouvait pas mentir, c'était inventif, cela avait le mérite d'être efficace et radical. Ceci dit, cette idée était quelque peu cruelle pour le pauvre Orion qui venait de terminer son tour de garde et qui devait être épuisé. De légères cernes commençaient déjà à se former sous ses yeux bleus, et Elior maudit son ami de ne pas l'avoir concerté avant de mettre ce plan à exécution.

Elior prit le temps de mettre de l'ordre dans son esprit, ses cheveux mais surtout dans son cœur, avant de prendre une grande inspiration. Il se devait de briser ce silence gênant. Orion ne le ferait jamais.

- Ah. 

Elior ferma les yeux et se massa les tempes. 

Très éloquent, bravo Elior.

- Ah? répéta Orion, sur le ton de la surprise. 

Elior ne pouvait dire si c'était la situation ou son manque de répartie qui le perturbait le plus. Mais il secoua la tête pour se reprendre. Il prit les bouts de cordes des mains d'Orion, délicatement, avant de les laisser tomber sur le pont, quelques mètres plus bas.

- J'ai fait signe à Sayan pour qu'il nous envoie de l'aide le plus vite possible. En attendant, nous... 

Le cœur d'Elior rata un battement, et il poursuivit :

- Nous sommes coincés, ici, ensemble.

Il vit Orion déglutir. Splendide. Cela risquait d'être un très long moment. Et le cœur d'Elior ne se calmait toujours pas. Il semblait s'être réveillé à la suite de sa réalisation de la veille. Il était amoureux d'Orion, et cela rendait tout compliqué.

- D'accord, répondit Orion après un temps. Je vais essayer de ne pas trop te gêner dans ton travail.

Puis, et avant qu'Elior ait pu répliquer, il s'accouda à la rambarde, dos à lui. Elior soupira. S'il avait pensé que l'aversion d'Orion à son égard avait faibli, il s'était visiblement trompé. L'autre ne voulait rien avoir à faire avec lui. Son cœur se serra et ses mains se crispèrent sur la même rambarde. A présent, il se sentait coupable. Mais il ne savait toujours pas pourquoi.

Les minutes s'écoulèrent, longues et silencieuses. Le soleil se levait lentement sur l'horizon, et ses rayons réchauffaient déjà l'air. Pour couronner le tout, pas un seul nuage n'était visible à l'horizon et une légère brise chaude, venant du sud soufflait. Elior passa une main dans ses cheveux, pour les dégager alors qu'ils commençaient à coller à son front.