Des Yeux aux Coeurs [MxM]

Chapitre 11

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Les dernières gouttes de pluie tombaient sur le pont. Les assaillants étaient déjà repartis, dans le sang et les cris. Le sol était jonché de corps gisants et gémissants, blessés ou ayant succombé. Et les bottes de ceux qui étaient encore debout, collaient au bois imbibé d'eau et de sang ; une poix nauséabonde qui semblait même s'incruster sur  chaque chemise, chaque tissu, chaque corps. Les batailles n'étaient pas rares, mais elles n'étaient que rarement aussi violentes et meurtrières. On ne pouvait pas encore déduire le nombre de pirates tombés au combat. Rapidement, cependant, les blessés étaient pris en charge. D'une part, les camarades les moins amochés s'occupaient des premiers soins, d'autre part, ceux qui avaient l'estomac les plus accrochés jetaient les cadavres par-dessus bord. C'était une directive obligatoire de la Capitaine. On ne pouvait se permettre de risquer une épidémie à cause de la pourriture et des insectes.

A l'arrière du bateau, Orion transportait, malgré ses propres blessures sanguinolentes, le corps inanimé d'Alec sur son dos. Son propre bras saignait, et il n'y avait aucun doute que ce n'était pas sa seule plaie. Il boitait. Une goutte de sang coulait sur sa joue, se mêlant à sa sueur. Malgré un grimace de douleur, il disparut à toute vitesse dans la cabine de Mina.

La Capitaine Noor, suivie de Will, qui faisait sa première apparition depuis le début de la bataille, sortit de la cuisine et distribua des bouteilles de rhum à tout l'équipage. Ils auraient besoin de courage pour faire face à la longue journée qui les attendait. Puis, elle disparut dans ses quartiers, sans un mot de plus.

Petit à petit, le pont retrouvait des airs de bateau davantage que de champ de bataille. La plupart des blessés avaient été évacués, et quelques matelots s'attelaient désormais à laver le pont.

Sayan était déjà retourné à la barre. Même si les Marines avaient battu en retraite, leur bateau restait à proximité. Et il ne pouvait pas être certain qu'ils étaient les seuls à leurs trousses. Le vent gonflait les voiles, et le navire voguait rapidement vers l'horizon désormais tout à fait clair.

- Aïe, fais attention espèce de brute, la voix de Cali vint tinter à ses oreilles.

- Tu es une pirate ou non ? Ne fais pas la chochotte.

Près du gouvernail, Elior était occupé à faire un bandage au bras blessé de Cali, et cette dernière le regardait avec de grands yeux tristes.

- Je suis une grande blessée, sois gentil avec moi.

Elle fit la moue, et Elior ne put s'empêcher de sourire :

- Tu entends ça Sayan ? Combien tu paries qu'elle joue la comédie ?

On entendit le rire de Sayan qui se garda bien de répondre, concentré sur son travail. Elior termina son ouvrage, et remit ses cheveux en place. Cali se plaignait encore, quémandant quelques tendresses pour aider à sa guérison. Dans un tout autre contexte, Elior n'aurait pas refusé, mais le moment était mal choisi, et son esprit ne pouvait s'empêcher de vagabonder vers la cabine de la médecin. Il secoua la tête et donna une légère tape sur l'épaule de sa camarade.

- Tu n'avais qu'à faire comme moi et éviter les lames ma chère.

Elior déboutonna le peu de boutons qui restaient à sa chemise et montra à tous son torse immaculé :

- Vous voyez, pas une seule plaie, pas une seule cicatrice.

Il reçut un coup de pied de la part de Sayan, qui le fit tomber :

- Arrête de frimer, on pourrait aussi dire que tu ne t'es pas assez battu pour ne pas avoir été blessé.

Elior s'apprêtait à riposter que ce n'était que son talent et qu'il s'était battu comme un lion, quand il reçut un nouveau coup de pied de son ami :