Chapitre 33

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Jilian fut réveillé par un bruit. Il se releva en sursaut, comme arraché à l'obscurité, le cœur tambourinant d'une urgence qu'il ne comprit pas.

Il peina à reprendre ses esprits, à reconnaître où il était et ce fut l'agitation d'Ali qui parvint à le réveiller totalement. Elle renversait tout, les livres, les placards, leurs affaires. Ses mouvements étaient saccadés, rapides, bruyants et insensés.

Jilian se leva pour contourner le lit, l'appelant d'abord, l'arrêtant ensuite et quand elle releva le visage vers lui, il crut un instant qu'il s'agissait de quelqu'un d'autre.

Quelqu'un avec des yeux furieux, fous, d'une dureté effrayante :

— Prends ton arme soldat, je ne le répéterai pas.

Jilian se sentit si interloqué qu'il n'osa pas répondre tandis qu'elle renversait le reste de la malle avec violence.

— Ali ?

— Qui crois-tu appeler comme ça ? Je suis ta supérieure soldat, pas ta mère. Tu me parles sur un autre ton ou je te contrains à te faire fouetter pour impertinence.

Jilian sentit son sang se glacer, devenir dur, polaire à l'intérieur de lui, son corps entier frissonna.

— Rapporte-moi mon arme. Où a-t-elle été rangée ?

— Des armes ? Pourquoi des armes ?

— Pour combattre l'ennemi, imbécile ! Les soldats d'Ottomash sont à notre porte.

— Ottomash ? Comme l'empire Mash ?

— Qui d'autre ?

Son agressivité lui faisait mal, le poussait presque à reculer et il balbutia :

— Mais l'empire Mash n'existe plus.

Cette fois, Ali s'arrêta, le regard qu'elle lui envoya fut aussi virulent qu'étonné :

— Il n'existe plus ?

— Non, il a été défait il y a de cela deux cents ans environ...

Il vit ses épaules s'abaisser, sa gorge déglutir et tout d'un coup, elle eut l'air de redevenir elle-même, perturbée, confuse, douce.

— Ali ?

Il répéta son prénom et elle passa une main dans ses cheveux nerveusement, comme si elle se sentait soudain très mal, nauséeuse. Sa main glissa jusqu'à rencontrer le vide et elle marmonna :

— Pourquoi mes cheveux sont-ils aussi courts ?

— Tu les as coupés il y a quelques jours...

— Ah oui... je les ai coupés.

— Je crois que tu as fait un cauchemar, souffla Jilian en lui prenant délicatement le poignet.

— Oui, je crois aussi.

Il la guida jusqu'au lit où elle se recroquevilla dans les couvertures et il se glissa dans son dos, la serrant contre lui.

Elle ne prononça rien et si Jilian se rendormit en humant son odeur, il ne fut pas sûr que ce fut son cas.

Lorsqu'il se réveilla à nouveau, il était seul, et la chambre avait été rangée, le bazar qu'Ali avait mis la veille semblait avoir été effacé comme si cet épisode n'avait pas existé. Sur la porte, elle avait épinglé un petit mot « partie à la bibliothèque ». Jilian en profita pour récupérer du papier et la tablette qu'elle avait laissée. Ces derniers temps, Ali la transportait partout et tout le temps avec elle.

Il se prépara psychologiquement à se rendre aux archives. Il avait consulté la démarche à suivre la veille après un premier essai. Il n'aurait que peu de temps, les pièces sans oxygène pouvaient permettre de respirer mais pour une durée d'une heure avant de se pressuriser à nouveau.

Le Manoir - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant