Chapitre 11

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Jilian observait la chambre qu'on lui avait attribuée depuis son seuil sans oser entrer. Devant lui, Seökh s'affairait à tout mettre en ordre dans un souci de perfection inutile en faisait tout pour ne pas croiser son regard.

Il était accompagné d'un homme qui se trouvait dans sa tranche d'âge, environ trente-cinq ans, les joues clairsemées d'une barbe claire et à la calvitie naissante. Ce dernier semblait à l'étroit dans son uniforme et gardait ostensiblement les yeux baissés.

— Vous pouvez entrer, l'encouragea le majordome en chef.

Se faire vouvoyer, c'était déconcertant. Se faire attribuer une chambre puis un majordome, c'était pire. En réalité, Jilian ne savait pas ce qui le désarçonnait le plus : l'annonce d'Andrea, qui avait sonné comme une sentence, un interdit ultime ou le fait d'être à présent un des maîtres du manoir.

Il était devenu ceux qu'il avait servis pendant des mois. Comme si ainsi, quelque chose s'était bouclé, une bascule s'était faite. Un autre côté du miroir.

Ses pas foulèrent les tapis et Seökh hocha la tête.

— Voici Santiago, il sera votre majordome. Il est encore en formation avec moi pendant plusieurs jours avant d'être autonome. Avez-vous besoin de quelque chose ?

Il ne pourrait définitivement jamais s'adapter au vouvoiement. Rien dans la voix de Seökh, ni même dans son expression, ne trahissait ce qu'il ressentait. De l'agacement ? De la condescendance ? Du mépris ? De la colère ?

Peu importe comment Jilian l'imaginait, il supposait que les émotions de son ancien responsable n'étaient que négatives à son encontre.

Il secoua la tête et les deux majordomes s'inclinèrent une nouvelle fois avant de se retirer. Leur odeur de sang disparut quand Seökh referma la porte. Jilian se retrouva seul dans ses quartiers, des appartements aussi immenses que majestueux mais excentrés des autres. Ses fenêtres ne donnaient qu'une vue limitée sur le jardin du côté nord.

De toute façon, il aurait été surpris qu'Andrea le fasse s'installer non loin des autres. Il y avait des dizaines d'autres chambres au sein de la demeure mais le rendre occupant de celle-ci, c'était clairement du mépris pour lui.

Il ne s'en formalisa pas. Il ne sentait pas à sa place ici.

Il s'assit sur le sofa, se sentant soudain plus seul qu'il ne s'était senti ces derniers temps.

Ézriel était absent. Lui qui lui collait aux basques depuis leur départ, sous la surveillance de Noham, n'était à présent plus. Jilian s'en était plaint, il n'avait pas supporté sa présence mais à présent, l'absence créait un vide, une sensation terrible.

Cela ne faisait qu'empirer la présence de l'autre, éveillé dans un coin de sa tête.

« Ne la crois pas. »

Il tenta de faire craquer sa nuque, en vain. Cherchant à détourner son attention de cette voix qui cinglait à ses oreilles, il se contenta de vérifier la chambre, d'ouvrir toutes les portes. Un placard de vêtements s'offrit à lui, une penderie assez grande pour contenir dix personnes les unes contre les autres. Il récupéra quelques tenues qui attirèrent son regard, des vêtements qui s'apparentaient à ce qu'il portait avant.

Avant le manoir.

Il avisa une paire de chaussures de randonnée.

« Ne fais pas attention à ce qu'elle a dit. »

« Ali est à nous. »

— La ferme.

Il traversa les appartements à la hâte et ouvrit la porte pour sortir. Santiago qui s'apprêtait à l'ouvrir sursauta avant de s'incliner respectueusement mais Jilian préféra ne rien lui dire. Les mots libérés auraient fait de lui un imposteur. Un maître dans un corps de majordome.

Le Manoir - Tome 2Where stories live. Discover now