Chapitre 1

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Jilian sentit l'air s'introduire violemment dans ses poumons.

Un premier souffle.

Il prit une si grande inspiration qu'il toussa. Ce fut tout son système respiratoire qui se mit en place. L'air lui brûla la gorge et la poitrine, secouant tout son corps. Il s'étouffait.

Il ne savait plus comment gérer cette fonction vitale, comme s'il en était soudain incapable. Il suffoquait, cherchait à faire entrer l'air par la bouche, par le nez, par de grandes goulées, puis des petites. Sa respiration était discontinue comme l'étaient les ressentis de son corps et les battements de son cœur.

Il se sentait naissant, une seconde fois. Il avait la sensation d'avoir déjà vécu son premier souffle ainsi, au point de déclencher un cri quelque part dans son subconscient. Un souvenir sans image, une trace d'une autre vie.

Il était mort puis revenu de ce lieu dont on ne revient jamais vraiment indemne.

Il avait l'impression de se réveiller du chaos. Il était vivant et cette douleur l'étreignait si fort que c'en était douloureux. Il avait mal partout, comme si chacun de ses organes se remettait à fonctionner péniblement. Il se sentait à vif, chaque surface de son épiderme lui donnait l'impression de brûler. Ses membres se crispaient pour surmonter la douleur et ses yeux lui renvoyaient des taches de couleurs survoltées, épileptiques.

Bientôt, sa respiration haletante se calma et il ferma les yeux pour les rouvrir. Sa vision ne changea pas, les couleurs lui paraissaient saturées par endroit, mais son corps lui fit moins mal. Perturbé, il bougea et brusquement, ce fut tout le décor qui changea avec lui.

Il ne savait plus ce qu'il voyait, où était l'endroit et l'envers, où était la place de chaque chose. Tout semblait sens dessus dessous.

Ses yeux le piquaient, chaque inspiration l'étouffait, le nez encombré d'odeurs. Sa bouche avait un goût particulier, les draps sous ses doigts lui renvoyaient une perception étrange. Son corps était différent, plus léger, mais il se sentait comme s'il habitait les vêtements d'un autre. Au fond de sa poitrine, son cœur battait d'un rythme différent.

Arriva alors un sentiment de malaise impossible à réfréner.

Plus rien n'avait de sens, tout était transformé, torturé, mis en exergue. Il le sentait dans tout son être. Il comprenait ce qui lui arrivait tout en n'y comprenant rien.

Il se trouvait dans l'entre-deux d'un miracle et d'une malédiction.

Un bruit lui parvint et il pivota la tête vers la porte avec la conviction qu'elle allait s'ouvrir d'une seconde à l'autre. Pourtant, le son des pas lui parut proche tout en étant lointain. Il fallut quelques secondes de plus avant que le battant ne s'ouvre sur Téo.

Le son, le temps, les impressions, tout était en décalage.

Le visage de Téo se fendit d'un sourire que Jilian trouva inexplicable. Sous ses boucles si blondes qu'elles en étaient blanches, ses yeux d'un bleu dissemblable pétillaient.

— Tu es réveillé ! J'attendais ça avec impatience ! Comment te sens-tu ?

Virevoltant d'émotions, Téo faisait aussi les réponses à ses propres questions :

— Je sais que c'est terrible. On se sent très mal au début de notre renaissance mais tu verras, ensuite ça ira mieux. Tu devrais te rallonger...

— Je...Je...

Jilian bégayait, incapable de verbaliser ce qu'il voulait. Il se sentait malade, en proie à un mal qu'il ne comprenait pas, qui lui faisait perdre tous ses sens, tous ses repères, toutes ses capacités. Même celles de parler.

Le Manoir - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant