Chapitre 17

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Debout, Jilian se sentit pour la première fois en mesure de marcher et il parvint à quitter le lit, posant un pied incertain sur le tapis qui ornait le parquet. Ses jambes raides et fragilisées se mirent à trembler. La douleur était là dans chaque centimètre de son épiderme, il avait la sensation d'être une statue et, qu'entre sa peau et l'extérieur, des milliers d'aiguilles l'assaillaient.

Il tâtonna comme il put, ses lèvres laissaient échapper des grognements de douleur, il retenait ses cris. Il se sentait à vif, avec un besoin terrible d'eau, d'humidité, de fraîcheur. Un feu dormait dans sa gorge, impossible à réfréner. Ses organes étaient du sable. Il se figea dans un sursaut quand quelqu'un entra.

Son majordome.

Il se souvint de son existence et cette prise de conscience l'affecta. L'homme parut plus surpris encore de le voir ou bien était-ce son apparence qui était monstrueuse ? Il l'ignora.

— Permettez-moi de vous aider ?

Jilian repoussa son initiative d'un geste brusque avant de se reprendre doucement :

— Ça va aller, je vais à la salle de bain... ne...

Il déglutit, mal à l'aise.

— Ne me dérange pas.

Il acquiesça et Jilian reprit son trajet, ouvrant la pièce adjacente recouverte de mosaïques avant de refermer la porte. Lentement, péniblement, le corps crispé pour supporter la douleur, il s'approcha du miroir.

Le choc lui fit saisir le rebord du meuble vasque et il ferma les yeux. S'il s'était regardé aussitôt lorsqu'il avait émergé la première fois, est-ce que ça aurait été pire ? Il rouvrit les paupières.

Il avait été brûlé presque entièrement mais déjà certaines marques ne se contentaient plus d'être du cuir brun et avaient rosi, la peau s'était reformée créant des démarcations de peaux mortes sur toute une partie de son visage, jusqu'à ses cheveux dont la partie droite semblait enfin repousser.

Il se sentait divisé entre l'horreur et la fascination. S'il s'approchait trop du miroir, il pouvait presque distinguer le travail de son épiderme et sa capacité extraordinaire à se reformer plus rapidement qu'à l'ordinaire.

La porte de la salle de bain s'ouvrit et il ferma les yeux :

— J'ai dit que je ne voulais pas être dérangé...

Personne ne répondit alors il tourna la tête pour rencontrer les yeux bleus saisissants de Téo. Iel le toisa, la mine fermée, même ses vêtements habituellement colorés, savoureux mélange de matières et de textiles, n'avaient rien d'habituel. Jilian n'avait jamais vu Téo aussi simple, ce qui rendait son attitude plus morose encore. Il sut qu'il fallait qu'il s'excuse. Et pourtant, une part de lui n'avait pas envie de revenir sur cet événement. Ça avait été maladroit mais ça avait été honnête.

Certaines choses ne pouvaient plus continuer ainsi.

— A propos de-

— Chut, tais-toi.

Téo s'approcha, passa une main sur ses épaules pour l'enlacer et Jilian se crispa, le contact d'une peau contre la sienne lui renvoya une décharge douloureuse. La chaleur, les vêtements générèrent un rejet mais Téo le maintint tout contre son corps, la mine fermée.

— Arrête de bouger et respire.

Jilian ne comprit pas et il allait se débattre quand un effet étrange le soulagea immédiatement. Tout à coup, il se sentit mieux, frais, sa peau picotait mais le feu s'éteignait. Il eut froid et il lui sembla sortir d'une longue fièvre. Ses yeux se fermèrent et il se vit dans un des lagons couleur topaze, à l'eau glacée, reposant, silencieux. Il n'avait jamais mis les pieds dans un tel endroit mais les images de ce lieu magnifique faisaient le tour du monde. Un morceau de paradis pour ceux et celles qui avaient les moyens de se le permettre.

Le Manoir - Tome 2Where stories live. Discover now