Chapitre 4

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Quand Jilian ouvrit un œil, il ne vit d'abord rien d'autre que les ténèbres, les formes de noirceur qui dansaient comme des volutes de fumée autour de lui. Puis, en tournant la tête, le sanctuaire lui apparut.

Une impression de lourdeur saisit son crâne. La sensation d'un squatteur tapi au fond de sa caboche.

Le ricanement surgit immédiatement.

« Laisse-moi les rênes. »

— Pourquoi tu n'as pas disparu ?

« Parce que je ne peux pas disparaître comme ça. »

Il avait l'air absolument fier de lui. Jilian ne le voyait pas mais il percevait presque son visage et son sourire narquois.

Visage qu'il possédait à présent lui aussi.

— Ça ne devait pas arriver... pourquoi... pourquoi je suis...

« Cesse de geindre. »

« Qu'est-ce que tu ne comprends pas ? J'ai toujours été là, j'ai toujours été en sommeil, j'attendais le moment pour prendre vie et maintenant, nous sommes là. »

— Il n'y a pas de nous !

Jilian se prit la tête entre les mains :

— Je suis en train de devenir fou.

« Nous sommes parfaitement sains d'esprit. »

« Maintenant, il nous faut manger et boire surtout. »

« Maintenant nous devons reprendre des forces et rentrer au manoir. »

— Non...

Il devait sortir d'ici, trouver le moyen de changer tout cela. De revenir en arrière.

Cette nuit-là, quand Max était venu le prévenir, le supplier de s'enfuir avec lui, il aurait dû le suivre. A deux, ils auraient certainement eu plus de chances de survivre...

« Tu te voiles la face, c'est fatiguant. »

« Il est évident que tu ne voulais pas t'enfuir, tu voulais savoir. Tu voulais comprendre. Tu as voulu devenir ainsi. »

— J'ai tué un homme...

« Et tu en tueras d'autres, tous ceux qui méritent de mourir. Nous sommes leur punition. »

— Ça suffit ! Tais-toi ! Tais-toi ! Sors de ma tête !

« Tu pourrais moins souffrir si tu me laissais les rênes, tu sais. »

L'ancien majordome hurla et son cri fut absorbé dans le silence de l'endroit. Son hurlement se propagea jusqu'à la chambre d'hôtel où il se réveilla.

Allongé sur le canapé de velours, Ézriel à son chevet, Jilian se releva avec difficulté. Il tanguait, gauche et hagard mais tous les sens à présent en éveil.

La Faim était là, elle emplissait toute sa carcasse, rendait douloureux tous ses membres.

Elle le rendait fou.

— Vas-y doucement, l'avertit le vampire aux yeux bordeaux.

Ses mains venaient encore de trouver la place sur ses épaules pour l'aider à se relever. Tout se passait comme si Ézriel n'avait de cesse de le toucher, de rentrer en contact avec son corps.

Le décor avait changé, la chambre d'hôtel n'était plus la même. Ici, les décorations étaient plus modernes, artistiques, épurées. Il n'y avait presque aucun mobilier, seulement des néons géométriques et multicolores. Dans cette ambiance, le visage d'Ézriel était baigné de différentes couleurs.

Le Manoir - Tome 2Where stories live. Discover now