Chapitre 8

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— Que veux-tu vraiment savoir ? Interrogea Ézriel en repoussant son plat.

— Tout.

Le vampire hésita avant de répondre :

— On ne peut pas tout savoir.

— Pourquoi ?

Il ouvrit la bouche avant de froncer les sourcils et Jilian fut certain qu'il avait compris le véritable sens de sa question.

— Pourquoi je t'ai transformé ? Tenta-t-il néanmoins.

— Pourquoi tu ne m'as pas laissé mourir plutôt ?

Ézriel évita son regard :

— N'est-ce pas évident ?

— Non.

Le malaise transpirait à présent, toute son attitude était marquante. Il se concentrait sur son repas comme pour gagner du temps, éviter de croiser son regard.

— Il y a des choses... que je ne sais pas dire... que je ne sais pas comment dire et tu ne peux pas ordonner que je le fasse tant que je ne suis pas prêt pour ça.

Jilian sentit la colère monter, fulgurante. Ce n'était pas ce qu'il voulait entendre mais Ézriel reprit en plongeant son regard dans le sien cette fois :

— Si tu étais moi, si j'avais été toi et que tu avais su, sans comprendre comment ni pourquoi, que j'allais mourir. Si tu avais assisté impuissant à la réalisation de cette prémonition, n'aurais-tu rien fait pour l'en empêcher ?

— Ça dépend... hésita l'ancien majordome.

Il n'arrivait pas à se projeter, pas à regarder l'histoire en inversant les rôles. Avait-il seulement de l'attachement envers ce vampire ? Il y avait l'insupportable souffrance d'autrui, le sentiment d'impuissance, l'empathie, mais était-ce vraiment propre à Ézriel ?

Aurait-il empêché sa mort ?

Peut-être un peu...

— Alors imagine ce sentiment mais en pire.

— Monsieur No-...

Jilian se reprit dans un raclement de gorge :

— Noham a dit que tu ne savais pas que tu pouvais le faire. Que tu ignorais que tu pouvais transformer.

— Je ne savais rien.

— Mais tu l'as fait quand même.

— Je devais essayer.

— Quitte à ce que je devienne... ça ? Contre-nature ?

Leurs regards ne se décrochaient plus et Ézriel prit une grande inspiration :

— Je ne pense pas qu'être ce que nous sommes soit contre-nature.

Mais avant que Jilian ne s'insurge, il poursuivit :

— Je sais que tu m'en veux et que tu m'en voudras certainement pendant très longtemps mais je suis prêt à porter cette responsabilité.

— Tu ne vas pas t'excuser ?

— Non.

Jilian se mordit la langue. Il regrettait ce qu'il avait pensé, il ne voulait pas avoir ne serait-ce qu'une once d'attachement ou d'amitié à l'encontre de ce vampire.

— Tu vas considérer que parce que c'est toi qui l'as fait, je vais t'appartenir ?

Jilian avait délibérément lancé sa question avec une pointe de sarcasme. Il cherchait à se donner l'apparence de mépriser cette situation pour cacher sa véritable inquiétude.

Le Manoir - Tome 2Where stories live. Discover now