Chapitre 27

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Le cœur de Jilian caracolait dans tous les sens, il en perdait à présent totalement le contrôle.

Il y avait une impulsion, un tambourinement dans son cœur qu'il n'avait jamais ressenti aussi puissamment. Plus important encore qu'une explosion de joie, c'était une ferveur importante qui secouait tout son corps entièrement.

Il courait avec une sensation de liberté bloquée dans la gorge, le sentiment éclatant qu'il se dirigeait vers quelque chose de plus grand encore.

Il réduisait sa cadence pour qu'Ali puisse le suivre mais elle vibrait de la même intensité que lui. Ils étaient comme fous à courir ainsi dans les couloirs du manoir, dérangés même.

Et pourtant, il n'existait plus que cette course, que cette clef dans la main de la jeune femme, que son cœur qui partait dans tous les sens et ses pieds qui martelaient le sol, lui donnant une détente.

C'était grisant d'être ainsi secoué par des émotions positives, l'impatience à son comble, l'excitation aussi.

Il allait savoir.

Ils allaient savoir.

Tout était comme un rêve duquel il ne voulait plus se réveiller. Toucher au but lui procurait une satisfaction si entière que ça annihilait tout le reste.

Sauf Ali.

Il ne restait qu'elle dans ses pensées, elle avec un sourire éclatant, ses yeux noirs comme deux puits de lumière rieurs, ses cheveux battant sa nuque. Ils franchirent les pièces, arrivèrent jusqu'à la salle à manger qui s'ouvrait sur la terrasse et qui permettait de descendre aux jardins. D'un mouvement puissant, Ali tira sur les deux battants et les ténèbres enfermèrent Jilian.

— Je ne vois rien.

— Alors prends ma main.

Le geste fut naturel et il frissonna de sentir sa paume contre la sienne. Il n'eut qu'à peine le temps de s'inquiéter de sa Faim, de son odeur, que déjà elle le tirait. Ils reprenaient leur course.

Il n'avait pas peur, pour la première fois, il se sentait pétri d'une confiance qu'il ne connaissait pas. Même s'il voyait peu, comme si la lune s'était cachée de la nuit, il faisait pleinement confiance à cette main qui tenait la sienne, qui dirigeait l'expédition à travers les jardins puis le labyrinthe.

Il ressentait tout, les pulsations de son cœur, la gorge soudain sèche, sa chaleur, son odeur, sa proximité, les effluves du soleil qu'il ne voyait qu'en nuances de gris, les fragrances de la nature, du houx, de la pierre, de la terre, le chants des oiseaux, l'impulsion de son corps.

Ils dépassèrent la fontaine à vive allure, il respirait à peine, ses poumons aspiraient l'air comme s'il marchait mais il entendait le souffle d'Ali et il pouvait percevoir son impatience.

Tout ce qu'elle y mettait.

Tous ses espoirs.

Bientôt la nature fut plus dense et ils ralentirent le pas jusqu'à se frayer un chemin vers la porte qui demeurait close.

Pour quelques instants encore.

Ils s'arrêtèrent, leurs mains se détachèrent et Jilian se concentra, tâcha de ne pas penser à l'odeur qui l'enveloppait, qui imprégnait aussi sa paume. Il ne se passa rien. Ali reprenait son souffle, contemplant l'édifice.

— Est-ce que tu as peur ? demanda-t-il.

— Non j'ai hâte.

Mais se doutant de son interrogation, elle tourna la tête vers lui, encore essoufflée, quelques mèches collées au visage mais les yeux rieurs.

Le Manoir - Tome 2Where stories live. Discover now