Chapitre 30

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A Lutecia, on aimait les coups de théâtre.

On aimait les drames, les histoires, les ragots, les manigances, les mensonges, les trahisons. On aimait ce qui abîme, ce qui déclenchait des émotions.

On aimait jouer.

Bien évidemment, on aimait aussi le beau, le merveilleux, l'indécent et l'incroyable, on aimait ce qui fascinait, étonnait, surprenait.

On aimait la nouveauté.

La capitale du premier secteur avait le taux le plus élevé de vampires au kilomètre carré et se prenait pour le centre du monde. Toutes les Familles se connaissaient depuis toujours et parce que leur nombre ne grandissait pas, ou peu, depuis des siècles, chacun s'employait donc à tromper l'ennui.

Tromper la désuétude, tromper la mort.

Alors tous jouaient le jeu des semblants dans le grand échiquier où tour à tour, ceux et celles qui détenaient le pouvoir laissaient place à d'autres.

C'était exactement ce qui était en train de se passer et plus encore.

C'était tout l'échiquier qui changeait, tous les pions qui s'inversaient et Joy voulait en être. Et pour cela, il fallait faire partie du jeu.

Alors, elle n'hésita pas à rappeler qui elle était en ouvrant les doubles portes de la serre, en pénétrant dans le haut lieu de rassemblement, en venant changer les plans et les stratégies de chacun.

En semant le trouble.

Elle n'hésita pas à entrer comme on quittait les coulisses, s'introduisant sur les planches d'un théâtre, affrontant le public. Avec énergie, éloquence et pouvoir.

Avec un rôle parfaitement à sa taille.

Le visage de Nell fut le premier à se tourner dans sa direction et Joy savoura son expression, sa surprise d'abord, sa fureur ensuite alors qu'elle attendait dans l'entrée, au milieu des portes, dans sa robe à traîne aussi bleue que l'océan, parée de centaines de fleurs blanches qui se perdaient dans les plis à ses pieds, tracées sur la soie et cousues dans des fils d'or qui faisaient l'effet d'un corsage à sa poitrine et d'écritures sur les manches longues qui touchaient presque le sol.

Déjà d'autres regards l'atteignirent.

Comme ils l'avaient toujours atteinte et elle releva la tête. Nell avait tenu, comme à son habitude, à effectuer les festivités dans la partie privée de la grande serre du Palais.

La résidence royale avait été le lieu d'histoires, notamment de vampires, mais lorsque le peuple de Lutecia avait décapité leurs souverains, les vampires s'étaient repliés dans d'autres résidences et avaient abandonné la demeure principale. Aujourd'hui le Palais n'était qu'un lieu destiné aux touristes mais certaines parties privées appartenaient à quelques Familles de vampires qui ne se gênaient pas pour les utiliser.

Et ainsi asseoir leur pouvoir et leur longévité.

Nell possédait la serre. Un souvenir et un symbole quand iel n'était encore qu'un humain, responsable des jardins.

Joy sourit, ce lieu lui avait manqué de par sa beauté et son élégance. Il s'agissait d'un monument tout en verre contenant des milliers d'espèces de fleurs où au centre, dans une construction de cristal qui prenait la forme d'une sphère, une salle avait été aménagée pour recevoir.

Toutes les portes et les ouvertures avaient été ouvertes pour que les invités de la sphère puissent percevoir les odeurs des fleurs, sentir la nature dans ses caractéristiques les plus intenses et profiter des papillons, une colonie aux couleurs de feu qui vivait en ces lieux.

Le Manoir - Tome 2Tahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon