CHAPITRE 29 - Saïd

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SAÏD

Mercredi 19 juillet 2017
Los Angeles, États-Unis


   Toutes les émotions, les questions et les doutes qui se sont emparés de moi ces deux derniers jours me reviennent de plein fouet. Des sentiments que je n'avais encore jamais éprouvés auparavant s'ajoutent au tout sans que je ne parvienne à les dissocier, leur donner un nom ou une saveur. Je sais juste que je ne veux pas rester dans cette pièce. C'est plus fort que moi.

   Je marche à grands pas le long du couloir et me retrouve sur le côté de la scène sur laquelle nous avons joué quelques minutes plus tôt. Ce moment me paraît si loin, presque comme s'il n'avait jamais existé. Quel souvenir j'en garde ? Aucun. Si ce n'est les rares moments où le regard de Loup a daigné croiser le mien. J'ai essayé de comprendre, d'y desceller une explication assez logique pour qu'elle puisse apaiser le trou qui s'est créé dans mon cœur. Je n'y ai rien trouvé.

   Pire encore, j'ai eu l'impression, l'espace d'un infime instant, d'y retrouver le vide que je vois sans cesse dans le regard de son père. Ça m'a effrayé et j'ai aussitôt détourné les yeux. Après, je ne me souviens plus de rien.

   Je ne sais pas comment, mais le temps du concert j'avais réussi à me convaincre que ce que j'avais vu juste avant n'était pas réel, que lorsqu'on quitterait la scène je retrouverai Loup comme s'il ne s'était rien passé. Mais elle était encore là, plus vraie que jamais, élancée dans sa longue robe verte recouverte par ses cheveux blonds.

   Il a osé dire que c'était la seule solution. Avant même qu'Alban poursuive ses questions, j'ai compris de quoi il s'agissait : d'une mascarade pour faire plaisir à un petit nombre de riches haut placés qui en ont strictement rien à faire de nous. Comment son père a-t-il pu le forcer à accepter une chose pareille ? Que reste-t-il de nous deux désormais ?

   Et dire que j'étais persuadé qu'avouer mon amour pour lui sur scène était une super idée. Je ne sais pas vraiment si c'est ma conversation avec Mina, la présence de son père ou bien ce qu'il m'avait confié quelques jours plus tôt qui m'a fait croire ça. Aujourd'hui, je réalise que Loup était tout simplement saoul et qu'au moment où il m'a dit qu'il aimerait dire à son père d'aller se faire foutre, c'était son subconscient qui parlait. Il est bien plus intelligent que moi pour savoir que c'est impossible de dire ça à Georges Tarsin. J'en ai eu la preuve il y a quelques jours.

   J'avance sur la scène, dans l'espoir de retrouver ces sensations qui me manquent tant, mais même ma guitare ne semble pas capable de me rendre ça. Je m'assois sur le bord, fixant le vide devant moi. Où sont passées toutes les personnes qui étaient là tout à l'heure ? Sont-elles sorties boire un verre pour reparler du concert ? Peut-être sont-elles rentrées seules, mais avec le sentiment d'avoir passé un bon moment. Ont-elles seulement remarqué que quelque chose n'allait pas ? Ou bien sommes-nous déjà allés trop loin dans le mensonge pour réussir à donner le change sans problème ?

   Je ferme les yeux et essaie de me mettre à la place d'une de ces personnes. Peu importe laquelle. Je me tiens désormais parmi cette foule de personnes qui ont l'immense privilège de partager au moins une chose en commun : Nameless. C'est peut-être le seul point commun qu'on arriverait à leur trouver, mais il leur a déjà permis d'être en communion l'espace d'un instant. Le temps d'un concert. Je quitte la salle lentement, poussé vers la sortie par toutes ces personnes derrière moi. Certaines ont le sourire aux lèvres, ravies d'avoir assisté à ce concert. D'autres sont plus émues, tristes que l'instant soit déjà terminé.

   Une fois dans la rue, je lève automatiquement les yeux vers le ciel, même si je sais parfaitement qu'en plein Los Angeles, je n'ai aucune chance de voir les étoiles. Mais je me tourne quand même vers elles, parce que je sais qu'elles sont là. J'avance dans la rue sans vraiment savoir où je vais. Autour de moi, les gens rient, parlent fort, traversent sans même regarder des deux côtés de la route. Même si je suis seul dans cette rue, je me sens bien, parce que peu importe où je me rendrais, je pourrai y être tel que je suis.

LE JOUR OÙ LES ÉTOILES ONT CESSÉ DE BRILLERDove le storie prendono vita. Scoprilo ora