LE JOUR OÙ LES ÉTOILES ONT CESSÉ DE BRILLER

CHAPITRE 8 - Saïd

SAÏD

Dimanche 28 août 2016
Charleville-Mézières, France

Un ! Deux ! Trois ! Quatre ! La musique repart de plus belle et face à nous, la foule danse et saute comme jamais, agitant leurs bras en l'air et criant à pleins poumons. Voilà un peu plus d'un mois que nous parcourons les routes de France pour nous produire dans des festivals et déjà, le succès de notre première performance sur scène a traversé les régions.

Maintenant, les festivaliers savent qui nous sommes et savent à quoi s'attendre lorsqu'ils voient Nameless sur la programmation. Ici, au Cabaret Vert, les genres musicaux se mélangent et se confondent, passant du rock à la pop, puis au rap. Jamais je n'aurai imaginé vivre ça un jour dans ma vie. Le sourire aux lèvres, j'accompagne Loup sur le refrain de cette avant-dernière chanson, le front en sueur. Mon t-shirt blanc est trempé et je suis presque sûr que l'on peut apercevoir mes tétons à travers. Ça m'est bien égal. Seule la musique compte. La musique et le public qui danse par-dessus.

   Sous le soleil brûlant du mois d'août, les festivaliers ne portent que très peu de vêtements. La sécurité veille à les arroser régulièrement, comme de jolies fleurs qu'il ne faudrait surtout pas laisser faner.

   À ma gauche, Alban est penché au-dessus du vide qui sépare la scène de la foule, faisant trembler sa guitare contre lui, ce qui attise encore plus la folie des festivaliers en contrebas. C'est un vrai rockeur et ils sont tous là pour ça.

   À ma droite, Loup continue de chanter, la bouche collée contre le micro, passant ses doigts dans ses mèches blondes pour les empêcher de tomber devant ses yeux. Je souris à le voir essayer à maintes reprises, sans y parvenir. Il finit par abandonner et se rend compte que je le fixe, fasciné. Son visage se fend d'un sourire timide et je prends conscience que comparé à nos premières fois sur scène, il est bien plus à l'aise. Se déplaçant pour jouer face au public, le plus impressionnant reste sa voix. Il chante avec conviction et elle résonne à travers les enceintes un peu plus fort à chaque concert. Intrigué par mon regard perçant, il se rapproche de moi avec sa basse.

   Au moment où il arrive à mon niveau, je lui tire la langue et m'éloigne vers le fond de la scène pour aller jouer avec Sofia. Il affiche un air faussement outré avant de rejoindre Alban. À l'arrière, Sofia fait cogner ses baguettes contre ses toms avec une force qu'elle n'a que sur scène. Son visage concentré remarque seulement ma présence et il se fend d'un sourire lui aussi.

Je reprends place au centre de la scène à mesure que le rythme de la batterie ralentit progressivement et que la guitare d'Alban vibre dans une transition. Les premières notes de First Time se dessinent alors et la foule se met à hurler. Je ne comprends pas très bien au début, mais plus la mélodie se met en place et plus je vois des visages excités. Je m'approche du micro et tandis que je chante la première phrase de cette dernière chanson, quelque chose sonne différemment à mon oreille.

Je retire immédiatement mon oreillette et ce que je découvre semble impensable. Je me tourne vers Alban, puis Loup, le visage choqué. Eux aussi ont retiré leurs oreillettes et sont aussi étonnés que moi.

Devant nous, des centaines, voire des milliers de personnes reprennent les paroles de cette chanson que nous avons partagée avec le monde un an plus tôt. Je continue de chanter avec eux et quand vient le refrain, la voix de Loup s'ajoute aux nôtres, formant un ensemble stupéfiant.