CHAPITRE 9 - Loup

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LOUP

Mardi 11 octobre 2016
Hyères, France


   — Je ne crois pas que tu réalises Olive !

— Mais tu m'as prise pour qui ? J'ai vécu bien plus de choses que vous n'en vivrez, vous tous réunis.

— Je crois que ce que Loup essaye de vous expliquer, c'est que chanter devant des milliers de personnes, c'est pas aussi facile qu'on le pense, intervient Alban.

Ma grande tante lui lance un regard noir dans le rétroviseur intérieur de sa vieille Renault Clio et à côté de lui, Saïd détourne le regard vers la fenêtre pour se retenir de rire. Tout comme moi, il se demande pourquoi nous continuons d'essayer de discuter avec elle, sachant que c'est peine perdue. Je sais que dans le fond elle a un cœur, mais échanger avec elle est tout simplement impossible. D'autant plus quand elle roule bien au-delà des limitations de vitesse sur des routes étroites, bordées d'un précipice. Pourtant, à chaque fois c'est la même chose : on insiste alors qu'on connaît déjà l'issue.

— Est-ce qu'il faut que je te rappelle que j'ai connu la guerre ? Chanter devant des milliers de personnes n'aurait été qu'une broutille. J'ai affronté des centaines de soldats pour vivre un jour de plus, monsieur je-suis-un-chanteur-et-ma-vie-est-bien-trop-difficile.

— C'est pas ce que j'ai dit non plus, je me renfrogne.

— Olive, vous aviez quatre ans quand la guerre s'est terminée, rit Alban.

— Je ne vois pas le rapport, se défend-elle sans perdre la face.

— Le rapport c'est que les soldats vous leur avez jamais adressé la parole.

— Qu'est-ce que t'en sais ?

Assis au milieu de la banquette arrière, Alban lève les bras en l'air, signalant qu'il capitule. Un mince sourire se fend sur le visage d'Olive, avant de disparaître aussitôt. Elle ne l'admettra jamais, mais nous avoir dans sa voiture — même pour un court instant — est un moment qu'elle attend toujours avec impatience. Sa façon de nous malmener est sa manière à elle de nous exprimer son amour. Il faut la prendre comme telle.

— Et toi ma grande ? demande Olive comme si de rien n'était en lançant un regard concerné à Sofia dans son rétroviseur. On ne t'entend pas beaucoup aujourd'hui.

— Je ne veux pas entrer dans vos histoires, c'est bien trop dangereux, rit-elle.

Sa réponse arrache un petit hoquet à Olive, ce qui me surprend. Si ça n'avait pas été Olive assise à côté de moi, j'aurais juré que c'était un petit rire. Sofia est le seul membre de notre groupe sur laquelle Olive ne s'acharne pas en permanence. Même si elle épargne un peu Saïd qui semble être son préféré, avec Sofia, c'est encore différent. Elles ne se parlent pas beaucoup, contrairement à Alban et moi qui profitons de chaque minute avec elle pour essayer de la faire sortir de ses gonds. Olive ne s'adresse pas souvent à elle, mais quand elle le fait, c'est toujours avec une bienveillance déconcertante. S'il y a bien une personne qui pourrait lui faire baisser sa garde, c'est Sofia.

La voiture se penche dans un virage un peu serré qu'Olive a pris sans même poser le pied sur le frein. À l'arrière, mes trois amis tentent de s'accrocher où ils peuvent et je sens un haut-le-cœur m'envahir. Ma main se serre aussi fort que possible sur la poignée de ma portière et je suis tenté de fermer les yeux.

— Je vous jure que j'ai vu la roue avant se soulever, je souffle.

— Tu veux qu'on meure avant d'avoir fait l'Olympia ? hurle Alban.

LE JOUR OÙ LES ÉTOILES ONT CESSÉ DE BRILLERWhere stories live. Discover now